Le propre d’un dictionnaire amoureux est de laisser un choix
plein et entier, nécessairement arbitraire et incomplet, à son auteur des
entrées qu’il désire y faire figurer. Ne cherchons donc pas un recensement
exhaustif des objets des rubriques de tels dictionnaires et encore moins quand il
s’agit d’un sujet aussi inépuisable et protéiforme que sont les faits divers.
Même si, comme moi, vous n’êtes pas un lecteur faisant son
miel de la rubrique des chiens écrasés, vous trouverez votre compte
d’amusements, d’étonnements, de rires et, bien sûr, d’épouvantables horreurs
dans cette compilation patiemment arrangée par l’Académicien Didier Decoin.
Car, il faut bien reconnaître que l’auteur fait montre d’une réelle maestria
pour nous promener depuis l’antiquité jusqu’à l’histoire la plus contemporaine
mettant ainsi en évidence l’infinie capacité humaine à inventer du sordide et à
infliger torts ou tortures, entre autres, à ses congénères.
Mais au-delà du flot d’hémoglobine que réserve le genre
« faits divers » par nature, l’un des grands intérêts de l’ouvrage
est de montrer, par les petites histoires et les grands malheurs, comment
l’histoire humaine et les civilisations qu’elle engendre ne cessent d’évoluer et
de se transformer. C’est aussi un petit précis de sociologie et de psychologie,
Didier Decoin veillant à habilement attirer notre attention sur la façon dont
nos jugements, et donc ceux des juges à qui un pouvoir quasi divin – souvent de
vie et de mort – est accordé, peuvent regarder, analyser, soupeser et décider
des faits, témoignages et autres preuves
plus ou moins convaincantes qui leur sont soumis.
On pourra tout juste regretter que les premières lettres de
l’alphabet bénéficient d’une abondance que ne connaissent pas les suivantes
quand, et c’est dommage, elles ne sont pas purement et simplement sacrifiées,
comme c’est le cas avec les X et Y.
Pour le reste, Decoin est à son affaire et le romancier sait
habilement convoquer son imagination pour combler les lacunes que le temps a
rendu impossibles à jamais véritablement connaître. Decoin met aussi un point
d’honneur à rendre hommage, par son style et sa plume, à tous ces auteurs tels
Hemingway ou Mauras, pour n’en citer que deux que tout oppose, qui ont été les
rédacteurs en général parfaitement anonymes des rubriques qui constituèrent un
genre littéraire à part entière au XIXème et début du XXème siècles,
perfectionnant leur savoir avant que de devenir des étoiles de leur art.
Si vous prenez soin de lire les entrées petit à petit, entre
deux autres ouvrages ou dès que vous disposez d’un moment, vous n’éprouverez
aucune saturation à avaler les plus de huit cents pages de cette bible.
Rendons d’ailleurs ici hommage aux Editions Plon et à leur
collection de Dictionnaires Amoureux qui comptent désormais un septième titre
qui, comme les autres, a eu l’honneur d’une des meilleures plumes françaises.
Publié aux Editions Plon – 2014 – 820 pages