L’obsession littéraire de Patrick Deville, c’est
l’observation minutieuse, microscopique des vies de personnages historiques ou
de séquences historiques disséquées jusqu’à ce qu’elles n’aient plus le moindre
atome à cracher, que tous les points aient été reliés afin de dégager la
cohérence globale invisible aux profanes.
Pour son dernier ouvrage, l’auteur emploie la même technique
à ceci près que ce qu’il place sous son microscope d’écrivain, c’est l’histoire
de sa propre famille. Grâce à des archives familiales miraculeusement
conservées depuis 1860, celui qui est aussi un infatigable voyageur se lance
sur les routes du monde et les petites routes de France au volant, nous dit-il,
d’une Passat break achetée d’occasion et pour l’occasion.
Avec la minutie d’un orfèvre et la patience d’un
apothicaire, Patrick Deville explore la façon dont sa propre histoire familiale
fut étroitement associée à celle d’un pays qui, pendant un siècle et demi, ne
fit que passer de guerre en guerre avant d’être secoué par les attentats
terroristes de Daech.
Pour l’auteur, tout commença dans un ancien lazaret sur la
Loire, du côté de Saint-Nazaire. Un hôpital transformé au gré des évènements en
asile psychiatrique dont son père fut l’administrateur. Un lieu hors du monde
où il fut enclos lui-même ayant pour unique camarade un aliéné n’ayant pour
tout vocabulaire que la séquence taba-taba qu’il répétait sous la forme
d’alexandrins parfaits à longueur de journée.
Déjà, il fallut bien de l’imagination et de vie intérieure
pour que le jeune enfant, prisonnier d’une coque qui le maintenait couché afin
de le soigner d’une déformation de naissance, apprenne à s’évader.
C’est ce même pouvoir qui, de presque rien, simplement
quelques lignes, quelques documents imparfaits, quelques photographies écornées
lui permet de reconstruire l’histoire d’une famille, la sienne. Pas le moindre
détail ne nous sera épargné avec cette obligation maniaque qui est la sienne de
tout dire, de tout raccrocher à des éléments de preuves historiques.
Du coup, le récit est d’une érudition absolue, multipliant
les références littéraires et historiques, citant journaux et textes comme s’il
en pleuvait de toutes parts. C’est cette même manie qui ne nous épargne pas la
moindre halte dans le plus petit hôtel de province, ni le plus bref repas pris
en bonne compagnie de l’intelligentsia vernaculaire lesquels nourrissent
l’écriture d’un récit qui finit, très vite, par ne passionner que son auteur.
Car, disons-le sans ambages : bien que merveilleusement écrit (l’homme a
des lettres), le lecteur se perd très vite dans un océan de détails et de
personnages qui ne lui parlent guère et l’ennui survient, très – trop – vite.
Voici un taba-taba qui aura fait long feu. Faute
d’étincelles, point de flamme pour un ouvrage qui lasse.
Publié aux Editions du Seuil – 2017 – 433 pages