Souvent, la vie offre des
bifurcations qui, pour chacune d’entre elles, nous mèneront dans des directions
opposées se traduisant par des options de vie radicalement différentes. Pour
Tristan Rivière, le personnage principal du dernier roman de Frédéric Humbert,
ce seront trente-huit secondes exactement qui détermineront sa vie. Trente-huit
secondes et trois scenarii possibles, tous identiques au début mais qui, tous,
basculent vers un avenir radicalement différent.
Un soir dans un train de
banlieue montent quatre jeunes quelque peu alcoolisés qui s’en prennent
aussitôt à une jeune et jolie femme. Trois possibilités pour Tristan, un jeune
homme bâti en athlète, un ancien boxeur amateur de bon niveau marqué depuis des
années pour n’avoir pas osé s’interposer lorsque son entraîneur de boxe s’est
fait salement tabasser dans le métro par trois abrutis finis. Alors, rester passif et fuir, laissant la
frêle jeune femme aux prises avec des gars qui pourraient bien la violer ne
serait que la répétition d’une lâcheté précédente. Intervenir et prendre un
mauvais coup de couteau permettrait de mourir en héros. Et ravir la belle des
mains des furieux par un éclair de génie, une inspiration osée sans coup férir
serait sans doute la plus belle issue. C’est celle que retiendra l’auteur pour
bâtir le reste de son roman.
Depuis son troisième roman « L’origine de la violence »
qui fut un grand succès et le révéla, on sait l’auteur obsédé par la question
de la violence, la façon dont elle nous détermine, le rôle qu’elle joue dans
nos décisions, nos actes, nos peurs individuelles ou collectives. Aussi
n’est-il pas étonnant que tout le dernier roman de l’écrivain ne soit rien
d’autre qu’une nouvelle métaphore sur le fait qu’on ne peut devenir un héros,
dans la famille Rivière et sur trois générations, que par ratages et en cédant
toujours, directement ou indirectement, à la violence soit qu’on la prodigue
soit qu’elle nous le soit.
Il y a toujours un prix à
payer semble nous dire l’auteur pour devenir un héros. Celui du sang souvent,
celui du renoncement au confort de l’anonymat, celui de l’aliénation de sa
liberté au profit d’une cause prétendue plus noble. Un prix qui rend la vie
inéluctablement plus lourde, rapidement plus absurde, biaisée par l’illusion de
contentements qui ne sont que factices. Des héros en forme d’anti-héros en
quelque sorte, une farce grotesque induite par l’illusion des temps modernes.
Le problème de ce roman
est que parti sur une idée (la place des choix ou du hasard dans nos vies), il
bifurque ensuite sur une narration mal écrite, usant d’infinis poncifs,
dramatisant les situations à l’extrême comme s’il fallait absolument forcer le
trait à tout prix pour tenter de convaincre. Il y a un désespoir désespérant
dans ce livre, un scénario de série B, une totale absence de souci du style et
une fin digne d’un roman d’Arlequin qui finissent par en faire l’un des pires
romans de la rentrée d’automne 2017.
Publié aux Editions
Gallimard – 2017 – 416 pages