17.4.18

Ceux d’ici – Jonathan Dee


Il faut souvent des symboles forts pour marquer la fin d’un mythe ou d’une époque. Dans le dernier roman de Jonathan Dee, ce sera avec l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center que s’amplifiera l’effondrement parallèle de la société américaine menant jusqu’au désastre de la dernière élection présidentielle.
Tout commence donc alors que la vie s’arrête, au propre comme au figuré. Dans un New-York abasourdi, le temps semble s’être figé. Deux Américains moyens venus à un rendez-vous avec l’avocat chargé de les défendre dans un recours collectif contre un escroc qui leur aura soutiré toutes leurs économies repartiront sans avoir été reçus et sous le choc de l’attentat terroriste.
C’est l’un des deux que nous allons suivre de retour dans sa petite ville du Massachusetts. Lui, le petit entrepreneur spécialisé en rénovation de maisons, sera célébré comme un héros ayant échappé à une mort certaine. Tout un symbole de l’exagération typique américaine et de ce besoin constant de se rassurer à l’aide de gestes ou d’actes collectifs. Y compris pour se berner.
Mais, ce qui intéresse fondamentalement Jonathan Dee ici c’est d’observer cette multitude d’Américains moyens et la façon dont ils se débattent et tentent de surnager dans une société où l’argent fait roi et où les riches sont de plus en plus riches, projetant le reste de la population dans la débrouillardise, la dépendance ou l’exclusion.
D’ailleurs, dans ce patelin éloigné de tout, ce sont les riches new-yorkais qui permettent à l’économie locale de survivre. Ils y ont fait construire des demeures exagérées où ils résident le temps de quelques week-ends ou quelques journées à la belle saison. Mais, depuis le 11 Septembre, tout ceci s’est brusquement arrêté. Seul un riche homme d’affaire secret, ayant décidé de fuir Big Apple qu’il déclare être sous la menace de nouveaux attentats, est venu s’installer avec sa famille dans la luxueuse villa qu’il s’est fait construire.
Peu à peu, cet homme visiblement immensément riche va imposer sa marque sur la petite ville. Après le décès brutal du Maire, il se fera élire et imposera un régime fait d’économies sévères et de la volonté constante, sous des allures faussement bienveillantes et populistes, d’imposer des mesures de restriction des libertés fondamentales. Car l’Amérique post 11 Septembre est devenue à la fois paranoïaque et encore plus atrocement dominatrice. La règle est que l’argent permet de tout acheter, de tout imposer. Surtout s’il est confisqué au profit d’une minorité qui impose ses vues, de manière illusoirement démocratique, usant de n’importe quel prétexte fallacieux pour protéger plus encore ses égoïstes intérêts. La ville du roman devient à cet effet une sorte de microcosme illustratif d’un pays que Trump a mis sous sa coupe, tentant d’y fourrer le reste du monde en même temps, changeant les règles sans vergogne.
Une fois les puissants du moment partis, il ne reste que plus de misère, plus de désespoir, plus de détresse. C’est la conclusion implacable du livre fort de Jonathan Dee.
Publié aux Editions Plon – 2018 – 410 pages