Lorsque Sacha, un écrivain qui se remet d’une rupture
amoureuse et qui est en mal d’accoucher de son dernier roman, décide de partir
s’installer dans une petite ville du sud de la France, il ne s’attendait pas à
tomber par hasard sur son ancien ami que nous ne connaîtrons jamais que sous le
nom de l’autostoppeur. Un garçon avec lequel il a sillonné les routes, plus
jeune, et avec qui il a mystérieusement rompu, sans plus de nouvelles.
Lors de ces retrouvailles, il fait la connaissance de Marie,
la compagne de l’autostoppeur, et de leur jeune fils Agustin. L’homme se
serait-il rangé en entrepreneur à son compte, réalisant divers travaux de
rénovation immobilière, et père de famille ? C’est sans compter sur ce
besoin incessant, lancinant, de repartir au plus vite par les routes pour
quelques jours d’abord, au hasard des trajets offerts par les automobilistes vers
des destinations simplement marquées par l’envoi d’une carte postale et de
clichés photographiques de ces inconnu(e)s qui auront accepté de le convoyer.
Peu à peu, la place de Sacha évoluera au sein de cette
famille étrange, de plus en plus marquée par les absences toujours plus
longues, toujours plus douloureuses d’un homme qui se cherche et qui n’est bien
qu’en se lançant dans une errance sans fin, sans but, sans autre logique que de
visiter tous les villages aux patronymes surprenants dont de fréquentes listes
émaillent le texte.
Au fil de ces étapes, c’est la question de l’amitié, de
l’amour, de l’absence qui est sans cesse posée. Celle de la place laissée par
une absence inexplicable comme une offrande marquée à l’occuper sans autre
explication, comme si cela allait de soi. C’est aussi la question du deuil de
la confiance, d’une relation et la logique de reconstruction plus ou moins
difficile, plus ou moins longue qui s’en suit. La grande force de Sylvain
Prud’homme est de ne pas juger ses personnages. Il les laisse suivre leur
chemin, prendre leur temps, peser et évacuer leurs doutes au fil d’une écriture
épurée et sobre, pleine de charme et de tendresse. Les réponses apportées sont
souvent surprenantes, inattendues comme ces vies qui sortent de l’ordinaire,
comme ces automobilistes sur lesquels on n’aura pas parié un kopeck et qui vont
vous faire la surprise d’un arrêt pour vous mener par les routes qu’ils auront
choisies pour vous.
Un très beau roman récompensé par le Prix Femina 2019.
Publié aux Editions Gallimard – 2019 – 296 pages