4.1.20

Ordinary people – Diana Evans



 « Ordinary people » est à la fois le titre d’une chanson du premier album de John Legend (Get Lifted) et celui du troisième roman de Diana Evans, une des nouvelles figures majeures des Lettres contemporaines britanniques. Un titre pour nous plonger au cœur de la vie quotidienne de deux couples afro-britanniques. De jeunes adultes afro-britanniques, pas encore arrivés à la quarantaine mais s’y dirigeant à grands pas, en couples avec de jeunes enfants.

Comme bien des Londoniens, ils doivent affronter la crise qui sévit au début des années 2000, à la cherté de l’immobilier de la capitale qui les contraint à venir habiter les lointaines banlieues mal desservies par les transports publics. Des conditions qui rendent encore plus difficiles la vie au quotidien alors qu’il faut déjà, surtout, faire face à son statut de Noir que l’on soit à peine foncé comme Melissa, celle dont tomba follement amoureux Michael d’origine jamaïcaine et lui beaucoup plus brun de peau, le couple central de ce roman.

En adoptant le point de vue d’un narrateur externe au récit, omniscient à la manière d’un Dickens, Diana Evans observe à la loupe la vie, les sentiments, les angoisses, les doutes, les émotions de ses personnages. Tous se débattent entre d’insolubles contradictions. Aimer son ou sa partenaire quand l’autre semble, pour des raisons inconnues, s’éloigner sans qu’on n’y puisse grand-chose. Travailler en y trouvant un sens quand sa « négritude » vous cantonne dans des postes subalternes ne correspondant ni à vos aptitudes ni à vos capacités. Survivre aux trajets quotidiens éreintants allongeant les temps indisponibles et rognant d’autant plus sur ceux à consacrer à sa famille. Trouver un sens à une vie qui a pris une direction totalement contraire à tout ce que l’on a pu espérer et chérir.

Alors, à l’image de ce Crystal Palace, gloire de l’Exposition Universelle que l’on croyait éternelle et qui finit par s’écrouler sur elle-même comme à l’image de cette vieille bicoque victorienne, proche du palais de verre devenu ruine, habitée par Melissa et Michael et qui semble elle aussi partir peu à peu en poussières, l’amour que l’on croyait indestructible finit à son tour par se fissurer quand il n’explose pas tout simplement. Parce que les attentes respectives, les conceptions de vie combinées aux reproches plus ou moins fondés réalisent un formidable et invisible travail de sape auquel rien ni personne ne pourra résister.

Ce sont là les vies houleuses, chaotiques, pleines d’espoir et de déceptions que nous donne à voir Diana Evans dans un roman magistral qui ne fait que confirmer un talent dont le premier roman 26a fut récompensé par le prestigieux prix Orange.

Publié aux Éditions Globe – 2019 – 381 pages