8.6.20

L’homme de la montagne – Joyce Maynard


Qui peut bien se cacher derrière l’anonyme homme de la montagne auquel il est fait référence dans le titre de ce superbe roman de Joyce Maynard ? Au premier abord bien sûr, le dangereux fou criminel qui sème la terreur de manière régulière en assassinant des jeunes femmes venues imprudemment se promener ou faire leur jogging sur l’un des nombreux sentiers qui parcourent la montagne de l’autre côté du Golden Gate Bridge de la baie de San Francisco. Un pervers qui prend plaisir à assassiner ses victimes à l’aide d’une corde de piano, à les déshabiller, les violer et les laisser, les yeux bandés d’un ruban adhésif, dans une position de supplique.

 

Mais ne serait-ce pas également l’inspecteur Toricelli, cet homme séduisant, père de deux adolescentes qui ont fait de ces montagnes leur terrain de jeu favori ? Un homme qui a laissé ses filles aux soins de leur mère dépressive pour courir dans les bras d’une autre femme, plus sémillante, plus riche, plus équilibrée. Un homme auquel pensent constamment leur fille et ce d’autant plus qu’il est devenu le chouchou de la presse et qu’il a envahi les écrans de télévision. Un homme qui perd son âme entre les femmes dont il tourne si bien la tête et une enquête qui va finir par le détruire.

 

Ou bien, encore, l’homme de la montagne ne serait-il pas cet homme fantasmé par les esprits survoltés par le bouillonnement d’hormones qui agite les deux sœurs ? Celui d’un amour dont on ne sait pas grand-chose, celui qui fera de ces jeunes filles des femmes lorsqu’elles en auront acquis les attributs physiques et psychologiques.

 

Car derrière ce thriller qui nous mène au cœur d’une enquête au long-cours sur un assassin qui n’en finit pas de sévir impunément, c’est surtout à l’adolescence au temps des jeunes filles en fleurs que s’intéresse Joyce Maynard. Avec vérité, pudeur ou crudité selon le cas, l’auteur explore en profondeur les fantasmes, les rêves, les pulsions, les frustrations, les expériences parfois limites de ces jeunes filles qui découvrent ou souvent tentent d’imaginer ce que devenir une femme peut bien vouloir signifier. Les trouvailles y sont nombreuses, toujours justes et frappantes. Elles nous plongent au cœur de la vie d’une petite ville américaine où se réfugiait la classe moyenne avant qu’elle ne devienne, quelques années plus tard, la banlieue chic des geeks de la Bay Area.

 

Joyce Maynard signe là un de ses plus grands romans.

 

Publié aux Éditions Philippe Rey – 2014 – 319 pages