C’est par le terme de ‘gabacho’ que l’on désignait autrefois au Mexique les étrangers en référence à leur manière un peu ridicule de s’habiller. Une expression qui, avec le temps, sert désormais à qualifier tous les Nord-Américains pour remplacer dans la langue courante le terme de Yankee.
Pour autant, par un renversement de perspective, Aura Xilonen fait de son personnage principal, un jeune Mexicain, Liborio, immigré clandestinement dans le sud des Etats-Unis, un gabacho dans ce qui est désormais son nouveau pays. Fuyant la misère, les privations, l’absence de soins et de famille, il a survécu aux périls que doivent affronter les candidats à une traversée du Rio Bravo à la nage puis du désert brûlant à pied.
Liborio est désormais commis dans une petite librairie tenue par un immigré magouilleur, travaillant sans salaire en contrepartie d’un logement précaire et met à profit le voisinage des livres de langue espagnole pour parfaire son éducation et sa culture. Impulsif et bagarreur ayant participé à bien des bastons de rue pour simplement survivre, il interviendra un jour sur un coup de tête pour sauver une jolie jeune fille des griffes d’un voyou bien décidé à l’ennuyer. Un geste, plus exactement une série de coups ajustés et implacables, qui va changer sa vie.
Lorsque Aura Xilonen écrit son premier roman, elle n’a encore que dix-neuf ans. C’est en s’inspirant de la vie de son grand-père, ancien journaliste, paralysé et muet, qu’elle décide d’entreprendre ce livre d’une force incroyable. On y suit le parcours d’un jeune immigré de bout en bout, les dangers inhérents à l’immigration clandestine, l’exploitation sans vergogne, le racisme américain, la précarité permanente, le chemin étroit pouvant mener à l’intégration et à la réussite. Pour Liborio, ce seront ses talents de boxeur qui lui vaudront de trouver progressivement sa place car le jeune homme au cœur d’artichaut est aussi un garçon aux poings de fer.
L’immense force du roman, outre son histoire qui ne nous lâche pas une seconde, tient dans la novalangue dont use Aura Xilonen. Un mélange permanent d’Anglais et d’Espagnol, formidablement traduit par Julia Chardavoine à qui il faut rendre un vibrant hommage car elle n’est pas pour rien dans la réussite du livre ! Une langue aussi directe que les coups portés entre boxeurs, des phrases qui font mouche à tous les coups, une capacité à rendre compte avec autant d’économie que d’exactitude de la tyrannie et du pouvoir des réseaux sociaux, omniprésents dans le roman comme dans la vie et de l’hypocrisie de la société américaine.
Avec ce premier roman, Aura Xilonen s’impose comme une nouvelle figure de la littérature mexicaine. Une jeune femme avec laquelle il va falloir compter et qui a d’ores et déjà prévu un deuxième roman que nous attendons avec impatience.
Publié aux Éditions Liana Lévi – 2016 – 364 pages