L’auteur et acteur néerlandais Herman Koch s’est fait connaître dans le monde des lettres par son roman « Le dîner », un succès international traduit en une vingtaine de langues. « Le fossé » est sa troisième fiction, réalisée dans la même veine humoristique et dramatique, pleine de gentille auto-dérision sur les Hollandais, que son premier roman.
Tout semble jusqu’ici bien se passer au sein du couple un peu dépareillé que forment le maire d’Amsterdam et son épouse. Lui est un homme politique assez peu crédible (ce qui est de mon point de vue la principale faiblesse du récit). Orateur hors pair, il fuit les mondanités, ne craint pas certaines mesures impopulaires et son agenda semble réserver bizarrement de larges plages disponibles pour des occupations personnelles. C’est un géant blond typique du pays dont il est l’un des principaux représentants politiques. Son épouse est étrangère. Nous ne saurons jamais d’où, car le narrateur – son mari – veut la protéger (de quoi s’il est vraiment l’homme politique que l’on veut nous faire croire qu’il est, autre faiblesse incompréhensible du livre !). Toujours est-il qu’elle semble vivre une vie dédiée à sa famille et discrète.
Un couple a priori uni jusqu’au jour où le Maire, à l’occasion d’une réception à laquelle il ne peut encore échapper, remarque un échange inhabituel lors duquel un de ses adjoints, peu réputé pour son humour, semble faire rire aux éclats sa femme. Dès lors, un soupçon vient s’ancrer dans l’esprit du Maire, celui d’une liaison entre son terne et insipide adjoint et sa femme éclatante.
La jalousie mêlée au soupçon sont à même de former un poison ravageant les certitudes, bouleversant les habitudes, formant des hypothèses parmi les plus audacieuses pour les combattre aussitôt après. Cette combinaison va peu à peu créer un fossé de plus en plus profond entre l’homme politique et ses devoirs, entre le mari et son épouse, entre son père et lui. Un fossé qui revisite le passé, l’interroge sans relâche pour y chercher confirmation ou infirmation de ses pires craintes. Un fossé aussi où, en certaines contrées, gisent les victimes de règlements de comptes expéditifs comme nous le révèlera une longue chute inattendue et ambigüe.
Tout cela est assez enlevé, souvent drôle, se lit aisément, formule une aimable critique du monde politique mais ne forme assurément pas un livre inoubliable. Sympathique tout au plus…
Publié aux Editions Belfond – 2019 – 302 pages