C’est en s’inspirant d’un fait divers survenu en 1994 dans le Comté de Galway en Irlande que la grande romancière Edna O’Brien écrivit son roman « Dans la forêt ».
Dans une petite ville irlandaise quelconque, la vie suit son cours tranquillement. Les agriculteurs s’occupent de leurs champs, les commerçants de leurs affaires et les hommes se retrouvent régulièrement au pub pour y faire ce qu’on y fait depuis des générations : boire et discuter, en échangeant les derniers ragots locaux. Une vie sans particularisme, du moins jusqu’au retour de l’enfant terrible, celui qui, à l’âge de dix ans, avait été nommé le Kinderschreck (l’enfant terrifiant) par un Allemand à qui il avait volé son fusil. Un môme ayant commis divers délits, de plus en plus graves, lui ayant valu maisons de correction et internement en asile psychiatrique.
Revenu au pays, O’Kane s’apprête à bouleverser de fond en comble la quiétude de cette bourgade campagnarde. Car le Kinderschreck n’est gouverné que par ses voix intérieures. Des voix qui s’expriment à tout bout de champ pour lui dicter ses comportements et ses actes. Des voix qui focalisent son attention psychotique sur Elly Ryan, la belle jeune femme, mère célibataire d’un jeune garçon, venue s’installer au village pour tenir le poste d’institutrice. Des voix qui vont le pousser à commettre des crimes de plus en plus odieux, sacrilèges et insensés, faisant de la forêt du Comté un lieu de malheur et de terreur pour fort longtemps.
Edna O’Brien se glisse avec maestria à l’intérieur de l’esprit d’un homme ravagé et que son enfance malheureuse accompagnée des multiples sévices imposés a brisé, finissant par en faire un monstre. On suit avec effroi les impossibles dialogues qui zèbrent ce cerveau perturbé, incapable de discerner la réalité de son monde intérieur. En parallèle, elle sait rendre compte avec un réalisme saisissant de la psychose collective qui s’empare de la population locale de plus en plus terrorisée et lâche au fur et à mesure que la folie et les menaces d’une occurrence probable se déchaînent sur leurs têtes.
On sort, comme souvent avec cette auteur, éprouvé et admiratif après la lecture d’un grand roman en forme de coup de poing à l’estomac.
Publié aux Éditions Sabine Wespieser – 2017 – 351 pages