Rendre compte des voix, surtout si elles servirent les plus belles pages lyriques, est un exercice littéraire des plus délicats. C’est pourtant le défi que s’est lancé Régine Detambel dans son court roman « Opéra sérieux ». Un ouvrage entièrement consacré à Elina Marsch, la fille du ténor préféré de Janacek, née en 1926.
La naissance d’Elina causa la mort, lors de l’accouchement, de sa mère le soir même de la création de l’Affaire Makropoulos où triompha son père. Ce dernier n’étant pas homme à rester célibataire, Elina vécut parmi les nombreuses maîtresses d’un ténor qui avait autant de succès sur scène qu’auprès des chanteuses qu’il côtoyait.
Très vite, Elina montra de réelles prédispositions pour la musique et le chant. Après avoir émigré avec son père aux États-Unis pour fuir le nazisme, elle fut l’élève de Katleen Ferrier et devint rapidement une soprano recherchée sur les scènes internationales pendant que son père de son côté perdait sa voix et finit par tomber dans l’oubli.
Au-delà de ces quelques éléments biographiques qui servent de trame générale au récit, Régine Detambel s’intéresse avant tout aux voix intérieures qui agitent l’esprit troublé d’Elina. Tout commença par un mutisme total, dans les années d’enfance, que seul l’apprentissage et la pratique progressive du chant libéra. Marquée par l’absence de mère, Elina dut s’accommoder des multiples conquêtes d’un père volage et supporta mal la mort de la dernière épouse américaine de celui-ci, danseuse recherchée, en laquelle elle avait fini par trouver une mère de substitution. Lorsqu’un problème aux cordes vocales l’obligea à quitter la scène, ses démons intérieurs prirent le pas et finirent par la mener en pleine folie et à commettre des actes terribles qui amenèrent à la retirer définitivement de la société des hommes.
L’auteur parvient habilement à rendre compte aussi bien du tourbillon excitant qu’entraîne le succès artistique international que de la déchéance morale, psychologique et physique qui va finir par précipiter une star du côté sombre de la scène.
Publié aux Éditions Actes Sud – 2012 – 136 pages