9.9.06

Le Grand Huit - Thierry Vimal

Rien à voir avec la fête foraine. Le Grand Huit c’est ce que vous éprouvez après avoir abusé du Panoramix ou du Playboy. Toujours pas compris ? Simple : le Grand Huit c’est l’expression utilisée dans le milieu de la défonce pour décrire la sensation d’aspiration, d’accélération, de vertige, de nausée et d’effroi éprouvée lors d’un trip violent après absorption de substances toxiques le plus souvent combinées. Une montée douce, une accélération violente, une descente qui n’en finit plus…Une image pour dire qu’une fois embarqué, il est impossible d’en sortir. On ne contrôle pas le bouton stop, c’est un autre qui décide pour vous et du moment et de la nature de l’arrêt, plus ou moins brutal. Souvent brutal.

Le livre de Thierry Vimal (voir ma note dans ce blog en août sur Huit Millimètres), on y entre par mégarde ou curiosité et on ne peut plus le lâcher. Il faut le consommer d’urgence, page après page, pour comprendre la spirale infernale qui se met en route quand on franchit le cap. D’abord des joints, puis de la coke, ensuite, très vite, de l’ecstasy. Les doses augmentent car le corps s’habituent. Le monde autour de soi est tellement merveilleux, tellement calme, les êtres tellement cools et souriants que le quotidien en devient insupportable. Il convient alors de se précipiter au plus vite dans le seul qui vaille la peine d’être vécu, celui des paradis artificiels. Alors les mélanges commencent, l’alcool fait son apparition pour décupler les effets, pour gérer l’entre deux prises, compenser les marchandises coupées ou frelatées. Avec un peu de chance, vous échapperez aux acides, et encore…

Un livre terrifiant, vécu de l’intérieur par un homme qui sait clairement de quoi il parle, terrifiant mais beau, terrifiant mais tentant comme tout ce que le monde la nuit met à votre portée, si facilement.

Un livre qui permet aux quadras comme moi de comprendre pourquoi nos enfants y passent, parfois, trop souvent, toujours ? Un reportage choc mais tendre, violent et rassurant puisqu’il témoigne qu’on peut en sortir, malgré tout. Différent sans doute après, mais vivant, réintégré, plus ou moins.

De superbes pages, dans leur jus, écrites avec les mots utilisés par ceux qui y sont, comme souvent avec Vimal, dans un style une fois de plus spécifique. Je pense à l’hallucinante description du super trip sur fond de techno dans ces boîtes branchées du côté de Nice, à ces soirées rave où tout circule, la musique à fond, la transe devenant la règle, à ses engueulades/fous rires.

Derrière la scène, les règles non écrites aussi, les liens étranges entre dealers et consommateurs, la connivence familiale, plus ou moins forte, la course au « minssc » (le fric), la fête permanente, les couples, leurs ruptures, leurs rabibochages. La violence verbale ou physique, oubliée sur le champ, tuée par l’abus de drogue, d’alcool et de Lexomil, pour se calmer en douceur. Le besoin incessant de parler de dire ce qu’on a éprouvé pour partager, pour exister, pour créer un lien social.

Un monde de folie, sous nos yeux, à nos portes, que Thierry Vimal nous décrie une fois de plus avec un extraordinaire brio.

A lire pour comprendre et parce qu’on est tout simplement captivé, immédiatement.

252 pages – publié aux Editions de l’Olivier

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