Un détenu en cavale pris au piège d’une tempête de neige. Une cavale bien préparée qui, tout de suite tourne mal. L’urgence à fuir, à retrouver la bergerie isolée de celui à qui on a sauvé la vie, il y a longtemps déjà, dans une autre existence. Y parvenir enfin, presque miraculeusement.
Puis, par un artifice littéraire que l’on met quelques pages à saisir, tant il est habile et naturel, se surprendre à observer la vie de personnages hauts en couleurs. Celui de Bichon, cantonnier fossoyeur qui parle de lui à la troisième personne. Un peu fou, beaucoup poète, un brin philosophe aussi. Celui de Faustine, ex chanteuse de cabaret, femme de passion et d’engagement. Celui de Kochko, ancien boxeur de classe internationale, aventurier polyglotte qui a laissé ses vies sales et turpides par-devers lui, enfin jusqu’ici. Celui de beaucoup d’autres protagonistes comme cette directrice d’établissement pour enfants sourds-muets ou encore cette jongleuse espiègle, qui donnent à ce joli roman une densité pittoresque certaine. Un tableau de Bosch à la lumière provençale. Avec des fous légers, gentils.
Il n’y faut pas rechercher une linéarité du récit même si la fin permet de comprendre pourquoi et comment ces personnages sont entrés en scène alors qu’on ne s’y attendait pas, tels des artistes précieux. A nous d’aller à leur rencontre, de les apprécier, de les écouter même et surtout dans leurs délires les plus extrêmes.
C’est en se laissant bercer par l’indéniable poésie qui se dégage et la profondeur de l’amour qui lie les uns aux autres, sous toutes ses formes les plus pures, que l’on appréciera le mieux ce joli roman.
Un livre qui nous invite aussi à voir les autres autrement que ce qu’ils nous semblent être, à aller au-delà des apparences pour retirer de rencontres pittoresques une certaine profondeur vitale. Un livre sur la loyauté et la beauté de ses engagements.
Bref une jolie découverte à faire partager.
Publié aux Editions Grasset – 284 pages
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