19.7.07

La peau froide – Albert Sanchez Pinol

Amateurs de fantastique, de poétique, de bizarre et d’original, ce livre est pour vous.

Poussé pour une raison que nous ignorons à se retirer du monde, un jeune homme se fait enrôler comme climatologue maritime que l’on va débarquer aux confins de l’Antarctique, sur une île habitée seulement d’un gardien de phare.

La cohabitation entre ces deux hommes qui haïssent la société, chacun à leur façon, et ont choisi de la fuir, va se révéler difficile. Mais nécessité fait loi. Chaque nuit, une armée de lézards humanoïdes venus des profondeurs de la mer débarque en force sur l’île et met tout en œuvre pour mettre à bas les défenses des deux humains oubliés de tous, et tenter de les dévorer.

La force de ce récit romanesque, très inspiré des univers fantasmagoriques de Lovecraft, tient dans la puissance de son imaginaire. D’ailleurs, ces animaux ne sont-ils pas, dans une certaine mesure, l’expression incarnée des péchés ou des fantasmes de nos deux égarés ?

L’idée géniale de ce récit fascinant, à l’écriture puissante, tient aussi dans le fait que ces deux hommes ont fait une prisonnière parmi les assaillants. Cette femelle à la beauté fascinante, plus belle que bien des femmes européennes avouera le climatologue, leur sert d’esclave, de souffre-douleur et de défouloir sexuel. Un défouloir sublimant toutefois, la puissance de la jouissance éprouvée n’ayant pas son pareil parmi les humains.

Pour autant, le récit ne sombre à aucun moment dans la grivoiserie ou le mauvais goût, le narrateur – le climatologue – cherchant à comprendre la fascination, puis l’amour physique réel, qui va l’unir à cette créature qui n’appartient pourtant pas à son univers normal.

Pinol parvient avec talent à rendre l’angoisse de l’attente des attaques, leur férocité absolue, la folie qui peu à peu s’empare des deux hommes. Il nous trempe deux protagonistes aux caractères affirmés, violents tantôt physiquement, tantôt psychologiquement, envers leurs assaillants, certes, mais surtout envers eux-mêmes.

L’isolement sans possibilité de recours à la moindre aide externe sera le moyen pour chacun d’eux , selon ses possibilités, sa force et ses désirs, d’emprunter une voie rédemptrice.

Le meilleur compliment que l’on puisse faire à cet ouvrage est, qu’une fois ouvert, on ne peut plus le refermer, pris que l’on est par un univers si particulier et si extraordinairement fascinant. Décidément, il y a beaucoup de vrais talents parmi les écrivains espagnols contemporains !

Publié aux Editions Actes Sud – 262 pages

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