14.3.08

Mille six cents ventres – Luc Lang

Nous voici entraînés dans un bien étrange monde : celui des intestins et des anus malmenés des 1600 locataires de la prison de Strangeways et sur lesquels, façon de parler, le chef-cuisinier Henry Blain a la haute main !

A l’occasion d’une révolte violente des prisonniers qui, peu à peu va s’étendre à tout le royaume sous la poigne haïe de Miss Thatcher, la vérité sur les conditions sanitaires, d’hygiène, de fraîcheur et de qualité de la nourriture servie aux détenus va finir par percer. Elle est répugnante et odieuse.

Au fur et à mesure que le coin du voile se lève, nous découvrons que Henry Blain, anonyme et médiocre cuistot de seconde zone échoué à la pénitentiaire à deux pas de la retraite, est un personnage beaucoup plus complexe et torturé qu’en apparence. C’est l’une des grandes forces de ce roman que de dissimuler derrière ce quidam commun un personnage absolument hors du commun et serial killer jamais inquiété!

Obsédé par les femmes, sexuellement compulsif, ne supportant pas la mise en cause, sous l’emprise de frustrations de reconnaissance permanentes, amateur éclairé de Shakespeare dont il connaît les pièces par cœur et dont il possède presque toutes les éditions, Blain est avant tout un personnage apparemment sympathique mais réellement pervers et cruel.

Son jardin qu’il entretient amoureusement contient de bien lourds secrets !

Cuisiner est pour Blain le moyen d’exprimer une autorité qu’on lui dénie. Celle de tourmenter les intestins soumis à des répétitions flatulentes et diarrhéiques vengeresses. Celle de chef d’orchestre d’une musique pestilentielle des pets contrôlant bientôt toutes les canalisations anatomiques et physiques de la prison.

Luc Lang signe un ouvrage remarquable et gargantuesque sans jamais tomber dans la vulgarité. Ce roman est méchamment féroce et imaginatif et donne à réfléchir sur la tromperie liée aux apparences.

Un roman extraordinaire et fascinant dont il est difficile de s’extraire !

Prix Goncourt des Lycéens en 1998.

Publié aux Editions Fayard – 334 pages

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