Une fois encore, cette grande romancière japonaise contemporaine qu’est Yôko Ogawa nous plonge dans un environnement reclus et envoûtant. Moins violent et plus onirique qu’Hôtel Iris, Ogawa nous entraîne dans un univers où la normalité tient, au départ, de la bizarrerie.
Un jeune homme répond à une annonce et se rend dans une campagne reculée du Japon pour mettre au point un musée privé. Une vieille femme, acariâtre et autoritaire, a amassé depuis des dizaines d’années des objets formant un immense bric-à-brac.
Ces objets ont comme point commun d’avoir appartenu à des villageois maintenant décédés et d’avoir été volés, au lendemain du décès. Ils sont tous censés représenter fondamentalement leur propriétaire, donner en un coup d’œil à comprendre leur personnalité profonde.
Entassés dans une remise glauque et humide, le muséologue professionnel va entreprendre de les classer, de les répertorier, de les purifier afin de leur donner une durabilité. Il est en cela aidé de la fille adoptive de la géronte et de cette dernière qui raconte l’histoire de chacun des objets au fur et à mesure qu’il sort de la remise.
Mais le calme de la bourgade sera bientôt perturbé par une série de meurtres sur des femmes dont l’assassin découpe méthodiquement les mamelons.
Quel rapport entre le musée et cette série de meurtres ? C’est la question prétexte qui sert de trame à ce roman intriguant et à l’atmosphère renfermée.
Ce roman est une superbe variation sur le thème du sens de nos existences, de la trace que nos vies auront laissé, de l’influence du vivant par nos souvenirs, nos fantasmes, nos phobies. En quoi le rapport au symbole peut être plus prégnant que la relation aux autres et que notre vision de l’autre est influencée par ces mêmes symboles.
Un roman ô combien attachant, cursif et qui nous offre une montée en tension dramatique progressive. Un roman à lire d’une traite pour se laisser envahir par la poésie trouble qui s’en dégage.
Publié aux Editions Actes Sud – 318 pages
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