N, c’est Napoléon, ce monstre froid, cet orque assoiffé de sang et pour qui la vie humaine n’a pas de prix. Des morts par dizaines de milliers sur chaque champ de bataille, par millions au bout des campagnes qui n’ont eu d’autres objectifs que d’alimenter une volonté insatiable de grandeur et de puissance.
C’est ce bourreau que déteste M. Aquabono, lettré et féru de littérature française et qu’il voit débarquer sur son île d’Elbe, jusque là bien tranquille. Une île en ébullition et vite conquise, sans coup férir.
Le parti-pris de l’auteur est intéressant. Ce n’est pas au militaire, au Consul ou à l’Empereur qu’il s’adresse. C’est au petit roi déchu, émigré sous des cieux italiens, placés sous la férule des Anglais et à qui on a laissé un lopin de terre, loin de tout, pour jouer sans risques. Un épisode peu glorieux et mal connu de l’épopée napoléonienne.
Rapidement, à peine débarqué, N. n’aura de cesse que de réorganiser de fond en comble une île jusqu’ici endormie et profondément agricole. Il y mettra la même énergie et détermination qu’en toutes choses, gouvernant de façon inflexible, un objectif toujours en tête : revenir au pouvoir à Paris.
Accompagné de ceux qui lui sont resté fidèles (son fidèle Drouot en particulier), il va s’appliquer à amadouer les autochtones en les obligeant et saura parfaitement endormir la vigilance de ses geôliers par une politique active de rénovation profonde de l’île.
Ce sont des citernes d’eau qui sont mises en place, un système complet de traitement des eaux usées, des routes qui sont tracées, des palais construits, des fortifications consolidées. Une administration totale est mise sur pied ainsi qu’une marine militaire et une petite armée.
Mais N. est aussi un homme de lettres, non pas par amour (sait-il au moins ce qu’est l’amour ?), mais parce qu’il veut tout maîtriser dans l’art de la guerre : la géographie, l’histoire, les mathématiques (pour la balistique), la physique… Il lui faut donc un bibliothécaire pour s’occuper des superbes volumes qu’il a fait venir de ses bibliothèques impériales, plus ou moins au nez et à la barbe des Anglais.
C’est Aquabono qui se voit confier cette responsabilité, lui qui déteste N. pour des raisons éthiques et morales.
Mais à côtoyer le grand homme, bientôt c’est la haine intellectuelle va bientôt se transformer en authentique admiration. Celle de l’énergie inépuisable, celle de la volonté délibérée de revenir au pouvoir, le moment venu, celle du paternalisme dont N. use sans mesure pour parvenir à ses fins, celle du stratège brillant et manipulateur d’hommes, obtenant en tout, ce qu’il désire..
Comment faire quand on ne sait que servir loyalement, que l’on se prend à admirer un homme hors du commun et qu’en même temps on aimerait l’assassiner, pour protéger l’Europe de nouvelles saignées humaines ?
Pusillanime, Aquabono ne saura qu’être la proie de ses doutes, rêvant d’être celui qui aura tué le monstre. Pendant ce temps, N. réformera profondément Elbe et préparera son retour, éphémère, au pouvoir. Un homme d’esprit face à un homme brillant d’actions. U n combat perdu d’avance.
Dans ce livre à la fois d’histoire extraordinairement documenté et roman psychologique et historique, Ferrero sait nous emmener sur des chemins de traverse qui nous donne à voir Napoléon sous un jour différent et surtout, Napoléon, en tant qu’homme fait de chair et de sang, en proie à ses doutes, ses amertumes, ses regrets mais toujours tourné vers l’action, assoiffé d’avenir fait de gloire. Car il ne fur rien d’autre que cela : un mégalomane de génie, visionnaire, d’une énergie rare, au leadership que rien ne pouvait arrêter sauf son ambition dévorante.
Certes le livre, à force de détails et de minutie, est un peu long mais tout amateur d’histoire et tout passionné du grand homme, dont je suis, se doivent de lire ce roman à part.
Blog d'humeur littéraire - Livres, lectures, romans, essais, critiques. La lecture comme source de plaisir, d'inspiration et de réflexion.
29.4.09
24.4.09
La baignoire de Goethe – Mark Crick
Comment concilier bricolage et littérature ? Comment appréhender certains grands maîtres littéraires tout en s’adonnant à la fantaisie et à une poésie du bricolage d’une rafraîchissante inventivité ? Ce sont les challenges mi-sérieux, mi-comiques, que Mark Crick semble avoir voulu relever avec un indéniable talent. Ce recueil de nouvelles sous forme de brillants pastiches littéraires « à la manière de » est un délice rare.
Mark Crick nous explique qu’enfant, il souffrait d’asthme, ce qui le tenait éveillé de nombreuses nuits. Enfermé ou alité, il n’avait d’autres recours que de se plonger avec passion dans les grands romans et les auteurs majeurs, ce qui l’a conduit vers des études littéraires puis vers l’écriture. Or, on réalise immédiatement que Mr Crick maîtrise ses classiques avec un brio qui force l’admiration. Car il n’est pas rien d’être capable de commettre une petite quinzaine de nouvelles enthousiasmantes, d’une créativité débridée, souvent drôles et dérisoires, dans le style parfait d’un Sartre, d’un Poe, d’un Kundera, d’un Becket ou d’un César ! En outre, écrites en anglais, ces nouvelles ont été traduites par un collectif de brillants traducteurs qui ont su conserver l’allant et la fraîcheur des textes d’origine. Bref, on ne s’ennuie pas une seconde, d’autant que l’auteur, décidemment aux multiples facettes, illustre chacune de ses histoires d’un dessein ou d’une peinture chaque fois aussi amusants que les textes eux-mêmes.
Qui aurait pu croire que bricoler pourrait combiner une habilité manuelle, que la plupart des personnages ici mis en scène, le plus souvent l’auteur pastiché lui-même, n’ont pas avec les tourments de la création artistique. Voici qu’une séance de débouchage de lavabo tourne en un rite tourmenté de contemplation de la nausée par un Sartre littéralement fasciné et épouvanté par ce qu’un siphon peut recéler.
Voilà qu’un Kundera rêve éveillé à la femme qu’il aime en l’observant, imaginairement, le tromper dans l’appartement d’en face alors qu’il tente de réparer un carreau cassé de sa fenêtre.
Et Jules César d’entreprendre sa pose d’étagères avec la précision et la rigueur qu’il apporte à toute entreprise militaire.
Ou un Edgar Poe qui se commet à poser un plancher dans un sombre grenier qui, bientôt, se prolongera en porte des enfers et en tombeau glacial hanté par les tourments d’un esprit bien prompt à donner au moindre incident une portée fantasmagorique.
C’est assez délirant, toujours extrêmement bien fait, original et fascinant ! Que dire de plus, sinon que nous avons adoré et que nous vous encourageons à vous procurer sans tarder ce petit joyau !
Publié aux Editions Baker Street – 122 pages
Mark Crick nous explique qu’enfant, il souffrait d’asthme, ce qui le tenait éveillé de nombreuses nuits. Enfermé ou alité, il n’avait d’autres recours que de se plonger avec passion dans les grands romans et les auteurs majeurs, ce qui l’a conduit vers des études littéraires puis vers l’écriture. Or, on réalise immédiatement que Mr Crick maîtrise ses classiques avec un brio qui force l’admiration. Car il n’est pas rien d’être capable de commettre une petite quinzaine de nouvelles enthousiasmantes, d’une créativité débridée, souvent drôles et dérisoires, dans le style parfait d’un Sartre, d’un Poe, d’un Kundera, d’un Becket ou d’un César ! En outre, écrites en anglais, ces nouvelles ont été traduites par un collectif de brillants traducteurs qui ont su conserver l’allant et la fraîcheur des textes d’origine. Bref, on ne s’ennuie pas une seconde, d’autant que l’auteur, décidemment aux multiples facettes, illustre chacune de ses histoires d’un dessein ou d’une peinture chaque fois aussi amusants que les textes eux-mêmes.
Qui aurait pu croire que bricoler pourrait combiner une habilité manuelle, que la plupart des personnages ici mis en scène, le plus souvent l’auteur pastiché lui-même, n’ont pas avec les tourments de la création artistique. Voici qu’une séance de débouchage de lavabo tourne en un rite tourmenté de contemplation de la nausée par un Sartre littéralement fasciné et épouvanté par ce qu’un siphon peut recéler.
Voilà qu’un Kundera rêve éveillé à la femme qu’il aime en l’observant, imaginairement, le tromper dans l’appartement d’en face alors qu’il tente de réparer un carreau cassé de sa fenêtre.
Et Jules César d’entreprendre sa pose d’étagères avec la précision et la rigueur qu’il apporte à toute entreprise militaire.
Ou un Edgar Poe qui se commet à poser un plancher dans un sombre grenier qui, bientôt, se prolongera en porte des enfers et en tombeau glacial hanté par les tourments d’un esprit bien prompt à donner au moindre incident une portée fantasmagorique.
C’est assez délirant, toujours extrêmement bien fait, original et fascinant ! Que dire de plus, sinon que nous avons adoré et que nous vous encourageons à vous procurer sans tarder ce petit joyau !
Publié aux Editions Baker Street – 122 pages
21.4.09
L’absence de l’ogre – Dominique Sylvain
Autant j’avais été enchanté par « Manta Corridor », blogué dans Cetalir, autant « L’absence de l’ogre » me paraît raté.
On y retrouve le duo Lola, commissaire retraitée qui ne peut s’empêcher de se mêler des affaires de la maison poulaga et Ingrid Diesel, superbe strip-teaseuse américaine, curieuse et délurée.
Comme dans tout polar, il est question de meurtre. D’abord, celui de Lou, guitariste du groupe « Vampirella », retrouvée assassinée dans le parc Montsouris. Mais bientôt les cadavres vont s’enchaîner et l’intrigue va naviguer entre la Nouvelle-Orléans et Paris.
Et c’est là que le roman sombre. Trop de personnages, trop d’intrigues croisées et entrecroisées. Trop d’histoires parallèles. Trop de cadavres sans tueurs et de fausses pistes. Tout le monde court après tout le monde, tout le monde trahit ou presque. C’est presque aussi incompréhensible que « Pirates des Caraïbes III » !
Au bout de 150 pages, c’est le mode pilote automatique qui s’est mis en route. J’étais perdu, largué mais voulais savoir. J’ai compris, enfin, à 10 pages de la fin mais sans y avoir jamais cru.
La définition même du polar raté. Mr Sylvain, que vous est-il arrivé ? Remettez-vous vite à l’ouvrage en simplifiant vos intrigues. Sinon, vos fidèles lecteurs ne vont pas tarder à filer à l’anglaise…
Publié aux Editions Viviane Hamy – 300 pages
On y retrouve le duo Lola, commissaire retraitée qui ne peut s’empêcher de se mêler des affaires de la maison poulaga et Ingrid Diesel, superbe strip-teaseuse américaine, curieuse et délurée.
Comme dans tout polar, il est question de meurtre. D’abord, celui de Lou, guitariste du groupe « Vampirella », retrouvée assassinée dans le parc Montsouris. Mais bientôt les cadavres vont s’enchaîner et l’intrigue va naviguer entre la Nouvelle-Orléans et Paris.
Et c’est là que le roman sombre. Trop de personnages, trop d’intrigues croisées et entrecroisées. Trop d’histoires parallèles. Trop de cadavres sans tueurs et de fausses pistes. Tout le monde court après tout le monde, tout le monde trahit ou presque. C’est presque aussi incompréhensible que « Pirates des Caraïbes III » !
Au bout de 150 pages, c’est le mode pilote automatique qui s’est mis en route. J’étais perdu, largué mais voulais savoir. J’ai compris, enfin, à 10 pages de la fin mais sans y avoir jamais cru.
La définition même du polar raté. Mr Sylvain, que vous est-il arrivé ? Remettez-vous vite à l’ouvrage en simplifiant vos intrigues. Sinon, vos fidèles lecteurs ne vont pas tarder à filer à l’anglaise…
Publié aux Editions Viviane Hamy – 300 pages
17.4.09
Hakan Lindquist – De collectionner les timbres
Deuxième roman d’un jeune auteur suédois. Autant le dire tout de suite, une belle réussite et un coup de cœur de Cetalir.
Mattias, trentenaire, apprend par hasard le décès de son ami d’enfance Samuel. Une amitié profonde, totale, entre un jeune homme d’alors douze ans et un adulte de cinquante. Une amitié dont nous allons découvrir le détail et la portée réelle.
Car Samuel est porteur d’un secret, un secret qu’il faudra savoir dénicher au fond d’une petite boîte cachée dans l’anfractuosité du clocher du village où ils ont vécu.
Samuel, dont nous ne tarderons pas à découvrir l’homosexualité totalement respectueuse de Mattias, vit en reclus, protégé par sa mère. Il est triste et dépressif et c’est l’origine de cette immense tristesse que Mattias va rechercher, malgré lui, une fois Samuel décédé.
Pour y parvenir, il dispose d’abord de ses souvenirs qui, à l’aide de menus objets abandonnés par Samuel et sa famille à son attention, vont resurgir à l’état pur. Il dispose aussi de quelques extraits de poèmes et d’une collection de timbres, commencée sur le thème des papillons, rapidement diversifiée. Une collection qui a une histoire, une origine, que nous découvrirons au détour d’une page. Une collection où les reproductions du peintre Gan, suédois et homosexuel, qui met en scène une foultitude de beaux maris, sont légion. Une piste à suivre pour comprendre la nature et la puissance de l’amour que Samuel a éprouvé pour Willam, un beau matelot échoué pour quelques jours dans le petit port local de Suède.
Un amour qui a illuminé la vie de Samuel, un amour qui a duré toute la vie même s’il n’exista que pour quelques jours.
Mattais dispose enfin d’une correspondance laissée volontairement fermée et qu’il va peu à peu ouvrir. Autant de portes pour mieux comprendre Samuel et ce qu’ils ont été réellement l’un pour l’autre. Une clé pour assumer aussi une homosexualité latente, jamais exprimée, qui hante Mattias depuis son adolescence.
Ce roman est construit comme une polyphonie mêlant scènes actuelles, entrecoupées par de multiples réminiscences du passé et par des documents, lettres, photographies, timbres, peintures. On y avance et recule à la fois, car il faut revisiter plusieurs fois certaines scènes, certains détails du passé pour progresser et mieux comprendre.
Il s’en dégage une réelle poésie, une nostalgie dont vont pouvoir surgir, peut-être, la maturité et la capacité à s’assumer tel que Mattias est vraiment.
Mais pour cela, il faudra découvrir, accepter et intégrer le terrible secret de Samuel, celui qu’il ne pouvait lui révéler, celui qui a bouleversé toute sa vie.
Un roman magique, superbe et enchanteur. Une pièce de musique de chambre un brin nostalgique mais éclairée de moments fulgurants. Un véritable petit bijou.
Publié aux Editions Gaïa – 219 pages
Mattias, trentenaire, apprend par hasard le décès de son ami d’enfance Samuel. Une amitié profonde, totale, entre un jeune homme d’alors douze ans et un adulte de cinquante. Une amitié dont nous allons découvrir le détail et la portée réelle.
Car Samuel est porteur d’un secret, un secret qu’il faudra savoir dénicher au fond d’une petite boîte cachée dans l’anfractuosité du clocher du village où ils ont vécu.
Samuel, dont nous ne tarderons pas à découvrir l’homosexualité totalement respectueuse de Mattias, vit en reclus, protégé par sa mère. Il est triste et dépressif et c’est l’origine de cette immense tristesse que Mattias va rechercher, malgré lui, une fois Samuel décédé.
Pour y parvenir, il dispose d’abord de ses souvenirs qui, à l’aide de menus objets abandonnés par Samuel et sa famille à son attention, vont resurgir à l’état pur. Il dispose aussi de quelques extraits de poèmes et d’une collection de timbres, commencée sur le thème des papillons, rapidement diversifiée. Une collection qui a une histoire, une origine, que nous découvrirons au détour d’une page. Une collection où les reproductions du peintre Gan, suédois et homosexuel, qui met en scène une foultitude de beaux maris, sont légion. Une piste à suivre pour comprendre la nature et la puissance de l’amour que Samuel a éprouvé pour Willam, un beau matelot échoué pour quelques jours dans le petit port local de Suède.
Un amour qui a illuminé la vie de Samuel, un amour qui a duré toute la vie même s’il n’exista que pour quelques jours.
Mattais dispose enfin d’une correspondance laissée volontairement fermée et qu’il va peu à peu ouvrir. Autant de portes pour mieux comprendre Samuel et ce qu’ils ont été réellement l’un pour l’autre. Une clé pour assumer aussi une homosexualité latente, jamais exprimée, qui hante Mattias depuis son adolescence.
Ce roman est construit comme une polyphonie mêlant scènes actuelles, entrecoupées par de multiples réminiscences du passé et par des documents, lettres, photographies, timbres, peintures. On y avance et recule à la fois, car il faut revisiter plusieurs fois certaines scènes, certains détails du passé pour progresser et mieux comprendre.
Il s’en dégage une réelle poésie, une nostalgie dont vont pouvoir surgir, peut-être, la maturité et la capacité à s’assumer tel que Mattias est vraiment.
Mais pour cela, il faudra découvrir, accepter et intégrer le terrible secret de Samuel, celui qu’il ne pouvait lui révéler, celui qui a bouleversé toute sa vie.
Un roman magique, superbe et enchanteur. Une pièce de musique de chambre un brin nostalgique mais éclairée de moments fulgurants. Un véritable petit bijou.
Publié aux Editions Gaïa – 219 pages
10.4.09
L’épopée amoureuse du papillon – Jean-Pierre Otte
Un titre bien poétique pour un livre à part, qui ne l’est pas moins. Ce livre fait d’ailleurs partie d’une mini-collection sur le thème de la vie amoureuse en pleine nature.
Jean-Pierre Otte est peintre. En dehors de la peinture, il est passionné par les papillons dont il entreprend dans ce surprenant et attachant livre-document de nous relater la vie, la gloire et la mort.
Car il existe des milliers d’espèces de papillons pour lesquels la course à la vie sous la forme que nous connaissons prend des détours et use d’astuces absolument incroyables, comme souvent dans le monde du petit qui nous entoure. Nous découvrirons les multiples formes de ponte, les stratégies de déplacement des chenilles, les préférences et complémentarités parfaites entre chaque espèce et sa plante de prédilection.
Peu à peu, grâce à une langue d’une incomparable grâce et à une documentation scientifique solide mais rendue parfaitement accessible, nous allons tout apprendre sur les diverses transmutations de la chenille, équipée d’acides surpuissants qui vont lui permettre de s’autodétruire tout en conservant la structure essentielle l’amenant à sa prochaine transformation. Tout aussi sur les danses séductrices et les alliances florales.
Nous saurons tout enfin sur les positions sexuelles d’une amusante variété, chaque espèce ayant sa pratique, immuable. Le Kama-Sutra n’a rien inventé !
Mais fondamentalement, ce livre est un hymne à la joie de vivre et l’auteur nous laisserait presque accroire que les plus heureux sur terre sont les papillons. Enivrés par les parfums qui les submergent, transportés par les phéromones qui se déplacent sur des kilomètres pour attirer le ou la partenaire, n’ayant d’autre but, une fois devenus papillons, que de se reproduire sous quelques heures ou quelques jours au plus, nos joyeux papillons vivent à toute allure, tous sens éperdus, étourdis de bonheur. Ils célèbrent individuellement et collectivement la magie de la vie, la joie à l’état pur.
On se prend à dévorer ce livre intelligent, superbement écrit, plein de philosophie et à la fin, on regretterait presque de n’avoir pas eu l’immense privilège de faire partie des seigneurs chatoyants du bas ciel.
Surprenant et mémorable.
Publié aux Editions Julliard – 173 pages
Jean-Pierre Otte est peintre. En dehors de la peinture, il est passionné par les papillons dont il entreprend dans ce surprenant et attachant livre-document de nous relater la vie, la gloire et la mort.
Car il existe des milliers d’espèces de papillons pour lesquels la course à la vie sous la forme que nous connaissons prend des détours et use d’astuces absolument incroyables, comme souvent dans le monde du petit qui nous entoure. Nous découvrirons les multiples formes de ponte, les stratégies de déplacement des chenilles, les préférences et complémentarités parfaites entre chaque espèce et sa plante de prédilection.
Peu à peu, grâce à une langue d’une incomparable grâce et à une documentation scientifique solide mais rendue parfaitement accessible, nous allons tout apprendre sur les diverses transmutations de la chenille, équipée d’acides surpuissants qui vont lui permettre de s’autodétruire tout en conservant la structure essentielle l’amenant à sa prochaine transformation. Tout aussi sur les danses séductrices et les alliances florales.
Nous saurons tout enfin sur les positions sexuelles d’une amusante variété, chaque espèce ayant sa pratique, immuable. Le Kama-Sutra n’a rien inventé !
Mais fondamentalement, ce livre est un hymne à la joie de vivre et l’auteur nous laisserait presque accroire que les plus heureux sur terre sont les papillons. Enivrés par les parfums qui les submergent, transportés par les phéromones qui se déplacent sur des kilomètres pour attirer le ou la partenaire, n’ayant d’autre but, une fois devenus papillons, que de se reproduire sous quelques heures ou quelques jours au plus, nos joyeux papillons vivent à toute allure, tous sens éperdus, étourdis de bonheur. Ils célèbrent individuellement et collectivement la magie de la vie, la joie à l’état pur.
On se prend à dévorer ce livre intelligent, superbement écrit, plein de philosophie et à la fin, on regretterait presque de n’avoir pas eu l’immense privilège de faire partie des seigneurs chatoyants du bas ciel.
Surprenant et mémorable.
Publié aux Editions Julliard – 173 pages
4.4.09
Lamelles – Christophe Till Geissler
Mathématicien de formation, C.T. Geissler est un passionné de champignons, autrement dit un éminent membre de la société de mycologie. A ce titre, Mr Geissler entreprend, avec un indéniable succès, de nous décrire la fabuleuse diversité des champignons à travers une démarche de vulgarisation poétique assez remarquable.
Ici, point de descriptions assommantes techniques et truffées de mots latins mais au contraire une approche par l’expérience, par l’observation, par l’explication des origines de ses petits êtres vivants et leurs fascinantes stratégies reproductives. Le titre « lamelles » fait écho aux structures abritées sous le chapeau des champignons et qui ont pour fonction de répandre les spores qui, éparpillées par les vents dominants, s’en iront ensemencer les terres alentour.
L’auteur fait appel à sa mémoire, à ses expériences personnelles y compris intimes et sentimentales, pour nous faire découvrir les diverses amanites, les bolets tant appréciés des ramasseurs, les truffes périgourdines, les nombreuses pézizes et autres coulemelles, comestibles ou non, grands ou petits, colorés ou ternes qui parsèment nos contrées et s’adaptent aux plus extrêmes conditions climatiques.
Comme Mr Geissler est aussi un gastronome, il conclut la plupart de ses chapitres par une recette originale de son crû qui nous fait saliver d’impatience et nous invite à nous ruer dans les prairies, les bosquets ou les sous-bois, ou, moins prosaïquement, nous précipiter vers nos marchés, pour, à notre tour, tenter l’aventure.
Un livre véritablement original, attachant et délicieux. Dommage qu’il n’y ait pas d’illustrations ce qui obligera à consulter d’autres ouvrages pour voir ce dont il est question au détour de ces savoureuses pages.
Publié aux Editions « Le serpent à plumes » - 237 pages
Ici, point de descriptions assommantes techniques et truffées de mots latins mais au contraire une approche par l’expérience, par l’observation, par l’explication des origines de ses petits êtres vivants et leurs fascinantes stratégies reproductives. Le titre « lamelles » fait écho aux structures abritées sous le chapeau des champignons et qui ont pour fonction de répandre les spores qui, éparpillées par les vents dominants, s’en iront ensemencer les terres alentour.
L’auteur fait appel à sa mémoire, à ses expériences personnelles y compris intimes et sentimentales, pour nous faire découvrir les diverses amanites, les bolets tant appréciés des ramasseurs, les truffes périgourdines, les nombreuses pézizes et autres coulemelles, comestibles ou non, grands ou petits, colorés ou ternes qui parsèment nos contrées et s’adaptent aux plus extrêmes conditions climatiques.
Comme Mr Geissler est aussi un gastronome, il conclut la plupart de ses chapitres par une recette originale de son crû qui nous fait saliver d’impatience et nous invite à nous ruer dans les prairies, les bosquets ou les sous-bois, ou, moins prosaïquement, nous précipiter vers nos marchés, pour, à notre tour, tenter l’aventure.
Un livre véritablement original, attachant et délicieux. Dommage qu’il n’y ait pas d’illustrations ce qui obligera à consulter d’autres ouvrages pour voir ce dont il est question au détour de ces savoureuses pages.
Publié aux Editions « Le serpent à plumes » - 237 pages
3.4.09
Palestine – Hubert Haddad
Le prolifique Hubert Haddad publie chez Zulma son dernier roman. C’est au cœur de l’actualité, celle de l’intifada, des territoires occupés et d’une lutte qui n’en finit pas de semer des victimes innocentes que l’auteur a choisi cette fois-ci de nous emmener.
Sa langue y a gagné en simplicité. Bizarrement, elle s’est presque désorientalisée alors même que l’action se situe peu ou prou sur le même terrain que celui de « Oholiba des songes » que nous avions beaucoup aimé, et dont vous trouverez la note de lecture dans Cetalir.
D’ailleurs, il y a une autre similarité entre « Palestine » et « Oholiba des songes ». Dans ces deux romans, c’est d’usurpation involontaire d’identité dont il est question ainsi que de voyage initiatique qui ne peut se terminer que par la mort.
Autant la langue dans Oholida était époustouflante, riche, épique et classique, autant elle est ici dépouillée, ce qui est assez rare chez cet auteur pour être souligné, afin de rendre dans toute sa crudité le côté intolérable de ce qui se passe en Palestine. Tout juste y trouve-t-on quelques fulgurances qui démontre que la maîtrise de la belle langue est toujours là.
Cham est un jeune soldat israélien, arrivé dans les territoires occupés depuis trois mois. Alors qu’il patrouille avec un adjudant expérimenté, sans aucune alerte, ce dernier s’écroule, tué d’une balle en plein front. Blessé, Cham s’évanouit. Il sera recueilli par l’une des factions ennemies qui veut en faire une monnaie d’échange.
Tsahal ne laissant jamais ce genre d’incidents impuni, les rebelles auront tôt fait d’être anéantis. Par miracle, Cham en réchappera et sera recueilli par une vieille femme qui verra en lui son fils revenant. C’est ainsi que Cham, juif israélien, devient Nessim, palestinien.
En état de choc, il perd toute notion de son identité réelle et devient Nessim pour de bon, par nécessité. Soumis à l’autorité aveugle de l’armée d’occupation, Nessim va voir celles et ceux qui le recueillent se faire arrêter ou tuer, en tout arbitraire. Il rencontrera aussi en Falastin, la sœur de Nessim, la femme qu’il a toujours recherchée, à la fois sœur, mère et chaste épouse. Mais Falastin à son tour sera broyée et c’est en devenant un martyre que Nessim retrouvera sa véritable identité, devenue trop lourde à porter.
Malheureusement, malgré un thème parfaitement adapté à la tragédie, Hubert Haddad passe un peu à côté de son sujet. Certes la langue est belle. Certes, certaines scènes décrivent de façon criante la violence et l’injustice qui s’abattent au quotidien sur les civils palestiniens. Une violence qui nourrit le terrorisme, l’absence d’espoir, de perspective, d’avenir, la disparition des siens ne pouvant conduire ailleurs que vers des abîmes de terreur.
Mais il manque un certain souffle épique, une folie qui aurait donné à ce roman un caractère inoubliable comme a su le faire Sayed Kashua dans « Et il y eut un matin » (note disponible dans Cetalir). On reste en dehors du récit, plus spectateur distant qu’acteur impliqué. Le livre n’est pas pour autant mauvais. Il manque juste du souffle qui anime les tragédies classiques.
Un témoignage plus intellectuel que chargé d’émotion.
Publié aux Editions Zulma – 156 pages
Sa langue y a gagné en simplicité. Bizarrement, elle s’est presque désorientalisée alors même que l’action se situe peu ou prou sur le même terrain que celui de « Oholiba des songes » que nous avions beaucoup aimé, et dont vous trouverez la note de lecture dans Cetalir.
D’ailleurs, il y a une autre similarité entre « Palestine » et « Oholiba des songes ». Dans ces deux romans, c’est d’usurpation involontaire d’identité dont il est question ainsi que de voyage initiatique qui ne peut se terminer que par la mort.
Autant la langue dans Oholida était époustouflante, riche, épique et classique, autant elle est ici dépouillée, ce qui est assez rare chez cet auteur pour être souligné, afin de rendre dans toute sa crudité le côté intolérable de ce qui se passe en Palestine. Tout juste y trouve-t-on quelques fulgurances qui démontre que la maîtrise de la belle langue est toujours là.
Cham est un jeune soldat israélien, arrivé dans les territoires occupés depuis trois mois. Alors qu’il patrouille avec un adjudant expérimenté, sans aucune alerte, ce dernier s’écroule, tué d’une balle en plein front. Blessé, Cham s’évanouit. Il sera recueilli par l’une des factions ennemies qui veut en faire une monnaie d’échange.
Tsahal ne laissant jamais ce genre d’incidents impuni, les rebelles auront tôt fait d’être anéantis. Par miracle, Cham en réchappera et sera recueilli par une vieille femme qui verra en lui son fils revenant. C’est ainsi que Cham, juif israélien, devient Nessim, palestinien.
En état de choc, il perd toute notion de son identité réelle et devient Nessim pour de bon, par nécessité. Soumis à l’autorité aveugle de l’armée d’occupation, Nessim va voir celles et ceux qui le recueillent se faire arrêter ou tuer, en tout arbitraire. Il rencontrera aussi en Falastin, la sœur de Nessim, la femme qu’il a toujours recherchée, à la fois sœur, mère et chaste épouse. Mais Falastin à son tour sera broyée et c’est en devenant un martyre que Nessim retrouvera sa véritable identité, devenue trop lourde à porter.
Malheureusement, malgré un thème parfaitement adapté à la tragédie, Hubert Haddad passe un peu à côté de son sujet. Certes la langue est belle. Certes, certaines scènes décrivent de façon criante la violence et l’injustice qui s’abattent au quotidien sur les civils palestiniens. Une violence qui nourrit le terrorisme, l’absence d’espoir, de perspective, d’avenir, la disparition des siens ne pouvant conduire ailleurs que vers des abîmes de terreur.
Mais il manque un certain souffle épique, une folie qui aurait donné à ce roman un caractère inoubliable comme a su le faire Sayed Kashua dans « Et il y eut un matin » (note disponible dans Cetalir). On reste en dehors du récit, plus spectateur distant qu’acteur impliqué. Le livre n’est pas pour autant mauvais. Il manque juste du souffle qui anime les tragédies classiques.
Un témoignage plus intellectuel que chargé d’émotion.
Publié aux Editions Zulma – 156 pages