Comment concilier bricolage et littérature ? Comment appréhender certains grands maîtres littéraires tout en s’adonnant à la fantaisie et à une poésie du bricolage d’une rafraîchissante inventivité ? Ce sont les challenges mi-sérieux, mi-comiques, que Mark Crick semble avoir voulu relever avec un indéniable talent. Ce recueil de nouvelles sous forme de brillants pastiches littéraires « à la manière de » est un délice rare.
Mark Crick nous explique qu’enfant, il souffrait d’asthme, ce qui le tenait éveillé de nombreuses nuits. Enfermé ou alité, il n’avait d’autres recours que de se plonger avec passion dans les grands romans et les auteurs majeurs, ce qui l’a conduit vers des études littéraires puis vers l’écriture. Or, on réalise immédiatement que Mr Crick maîtrise ses classiques avec un brio qui force l’admiration. Car il n’est pas rien d’être capable de commettre une petite quinzaine de nouvelles enthousiasmantes, d’une créativité débridée, souvent drôles et dérisoires, dans le style parfait d’un Sartre, d’un Poe, d’un Kundera, d’un Becket ou d’un César ! En outre, écrites en anglais, ces nouvelles ont été traduites par un collectif de brillants traducteurs qui ont su conserver l’allant et la fraîcheur des textes d’origine. Bref, on ne s’ennuie pas une seconde, d’autant que l’auteur, décidemment aux multiples facettes, illustre chacune de ses histoires d’un dessein ou d’une peinture chaque fois aussi amusants que les textes eux-mêmes.
Qui aurait pu croire que bricoler pourrait combiner une habilité manuelle, que la plupart des personnages ici mis en scène, le plus souvent l’auteur pastiché lui-même, n’ont pas avec les tourments de la création artistique. Voici qu’une séance de débouchage de lavabo tourne en un rite tourmenté de contemplation de la nausée par un Sartre littéralement fasciné et épouvanté par ce qu’un siphon peut recéler.
Voilà qu’un Kundera rêve éveillé à la femme qu’il aime en l’observant, imaginairement, le tromper dans l’appartement d’en face alors qu’il tente de réparer un carreau cassé de sa fenêtre.
Et Jules César d’entreprendre sa pose d’étagères avec la précision et la rigueur qu’il apporte à toute entreprise militaire.
Ou un Edgar Poe qui se commet à poser un plancher dans un sombre grenier qui, bientôt, se prolongera en porte des enfers et en tombeau glacial hanté par les tourments d’un esprit bien prompt à donner au moindre incident une portée fantasmagorique.
C’est assez délirant, toujours extrêmement bien fait, original et fascinant ! Que dire de plus, sinon que nous avons adoré et que nous vous encourageons à vous procurer sans tarder ce petit joyau !
Publié aux Editions Baker Street – 122 pages