Jane Urquhart nous a concocté un roman un brin historique et qui nous plonge au cœur de la vie de ces premiers immigrants d’origine irlandaise, dans le Grand Nord Canadien. Un livre qui se déroule sur quatre générations de femmes de la première moitié du XIXe siècle à nos jours.
Un livre où la difficulté à vivre, voire à survivre, côtoie un côté un peu magique. En effet, chacune des femmes mises en scène et dont nous suivons la descendance sur quatre générations, vivra une expérience unique, en marge de la normalité. Une expérience qui la transformera à jamais et l’arrachera aux siens, quel qu’en soit le prix.
Un roman où l’eau joue un rôle crucial, symbolisant le passage d’un état à l’autre, d’un monde à l’autre, ouvrant des espaces de liberté. L’eau, élément magique et dont la vie ne se laisse voir que par celles et ceux qui savent écouter et regarder autrement. L’eau qui emporte les corps et la raison. L’eau qui purifie le corps et l’esprit, transporte ou détruit. Chaque moment essentiel du roman est rattaché à l’eau sous toutes ses formes : mer, lacs, rivières, crues, neige, glace… Une eau qui sous-tend les mouvements des acteurs, qui donne et reprend la vie.
C’est avec intérêt que nous suivons l’existence ardue d’une première jeune femme. Une encore adolescente charmée par un naufragé qui, en mourant dans ses bras, sur les côtes d’une île irlandaise éloignée de tout, emportera un amour éphémère, chaste et mystique. Elle vivra pour quelque temps dans un monde parallèle, en symbiose avec les créatures des eaux et de la mer avant qu’un mariage arrangé ne la ramène au monde réel, matériel.
Un monde où, bientôt, pour survivre et échapper à la famine qui ravage l’Irlande suite à l’invasion de doryphores, ils n’auront d’autres choix que de s’embarquer pour les côtes américaines puis le Grand Nord canadien. Il faudra franchir les océans, les lacs immenses, dompter les rivières, dompter la quarantaine sur une île.
Bien documenté, fourmillant de données historiques Jane Urquhart nous donne à comprendre les enjeux historiques, politiques et économiques qui secouent cette jeune nation bientôt convoitée par les Etats-Unis.
Une trame historique qui va servir de prétexte à un nouveau coup de folie, celui de la première descendante et qui va tout planter pour rejoindre un bel amoureux, agitateur politique avant de tout perdre et jusqu’à la raison.
La conquête des terres difficiles à cultiver, la cohabitation avec les populations indiennes, la fièvre de l’or, la difficulté des transports, l’isolement voire la désolation sont magnifiquement servis.
Pourtant, le roman s’essouffle à la troisième génération. D’ailleurs, le rythme s’accélère tout à coup, le temps défile à toute allure, sans donner à voir ce qui se passe, sans décrire avec la brillante précision précédente les méandres du cheminement physique, psychologiques et affectifs d’une jeune femme qui n’apprendra que bien plus tard son origine et sa condition.
Et puis le livre s’achève en queue de poisson, laissant un goût de trop ou de trop peu. Autant les deux premiers tiers nous avaient enchanté, autant la dernière partie nous a semblé bâclé.
Tant et si bien que nous ne saurions classer ce gros roman comme un indispensable. Vous trouverez bien d’autres suggestions relevant de cette catégorie dans Cetalir.
Publié aux Editions Albin Michel – 475 pages