« Le Congrès » constitue un incontournable de la rentrée littéraire 2009 et fait partie de ces rares livres qui marquent par la force de leurs propos, la pertinence de l’analyse et l’originalité du thème qui y sont employés.
A partir d’une situation historique ancienne (nous sommes en 1685 à la veille de la révocation de l’Edit de Nantes dans une France monarchique au pouvoir tentaculaire et quasi absolu), Jean-Guy Soumy produit un livre dont la modernité étonne du fait de la finesse de l’analyse psychologique et des sentiments qui y sont dépeints. On est d’emblée captivés, fascinés par le drame total qui se joue sur fond de cabale familiale, d’intérêts financiers et religieux tous plus glauques les uns que les autres.
Guillaume Vallade est le dernier héritier vivant d’une riche charge royale de bâtisseurs. Son père est à la tête des principaux chantiers de constructions royales, au service d’un Roi pour lequel l’architecture et ses fastes sont un des moyens d’affichage des ambitions que rien n’arrête. C’est aussi un fils rebelle qui, bien que souvent employé sur les chantiers de son père pour y apprendre et s’apprêter à en prendre la relève, s’est fréquemment frotté à la violence au point d’avoir été gravement blessé à l’aine.
Parce que son indiscipline pose problème, il est longtemps relégué dans le domaine familial limousin où son père espère qu’il s’assagira. Il va, sur un coup de tête, décider d’accompagner une bande de huguenots qui lui a demandé l’hospitalité un soir d’orage. Il sait qu’il risque la galère pour favoriser leur fuite vers l’Angleterre protestante mais est fasciné par Esther, l’épouse d’un des tisserands de renom des Gobelins.
Esther lui demandera, au moment de s’embarquer, de prévenir sa sœur Jehanne dont il va tomber amoureux par ce qu’on appellerait aujourd’hui un transfert. Jehanne est une repentie de bouche. Elle a abjuré sa religion protestante pour pouvoir recueillir les biens de la famille, pourchassée et privée de tous droits. Au fond de son cœur et malgré la surveillance étroite dont elle est l’objet, elle reste profondément protestante. Guillaume va devoir braver son père pour épouser Jehanne, la renégate.
Arrivés à Versailles où il se voit confier des charges importantes par son père, Guillaume va se trouver en butte avec sa belle-sœur, veuve de son frère aîné et mère d’un ambitieux tout juste diplômé architecte. Profitant d’un beau-père vieillissant et manipulé par des religieux à sa solde, elle va œuvrer pour écarter Guillaume au seul profit des intérêts de son fils.
Pour cela, elle va intenter un procès religieux en impuissance aux fins de faire dissoudre le mariage avec cette Jehanne qu’elle déteste et craint et jeter le discrédit définitif sur Guillaume. Un procès qui conduira les époux, après une série de vérifications impudiques et violentes menées par des médecins ayant une vision particulière de leur science et des prêtres lubriques et à la solde du pouvoir, au Congrès.
Le Congrès est l’héritage moyenâgeux de pratiques douteuses. Il s’agira pour les époux de faire l’amour en public, sous les yeux des juges, des matrones et des médecins, snas compter la parentèle, afin de vérifier les trois principes indissociables sur lesquels repose le principe du mariage tourné vers la nécessité de procréer : « dresser, pénétrer et mouiller ».
Rien de l’intimité des époux n’est épargné. Or, l’amour de Guillaume pour Jehanne fut complexe. Il sut faire surmonter à son épouse l’épreuve du viol qu’elle subit plus jeune par les dragons du Roi tout en aimant sa sœur à travers elle. C’est toute cette complexité psychologique en butte avec la pression sociale, la honte à devoir baiser comme des animaux en public, interrompus sans cesse par des matrones charger de vérifier la turgescence ou par des médecins vérifiant la qualité spermatique qui font la force d’un récit extraordinaire et jamais graveleux.
Bien sûr, le couple en sortira détruit et Guillaume perdra tout : sa femme, son amour, ses charges, le respect de ses pairs et le propre amour de soi. La perversité humaine n’a décidément aucune limite ! Un livre bouleversant et fort.
Publié aux Editions Robert Laffont – 2009 – 269 pages