7.10.10

La ville des prodiges – Eduardo Mendoza


Ce gros roman, très dense, est l’héritier moderne de la tradition picaresque. Mendoza nous entraine avec son sens de l’humour habituel dans une Barcelone qui se transforme, entre les deux expositions universelles de 1888 et 1929.

Deux immenses chantiers qui vont jeter les bases de la ville moderne, lumineuse, vivante que nous connaissons de nos jours.

Deux immenses chantiers qui vont bouleverser la vie des catalans, les ruiner tout en enrichissant les notables locaux.

Pour suivre cette épopée, Mendoza imagine un personnage haut en couleurs qui arrive encore adolescent dans cette ville obscure, sale et pauvre avant l’exposition universelle de 1888.

Un personnage pauvre, ruiné par un père qui s’est embarqué dans une improbable aventure cubaine et qui y aura tout perdu. Un personnage qui pour survivre devra faire preuve d’une volonté de fer, d’une détermination et d’une abnégation en vue d’un seul objectif : devenir riche.

A partir de là, Mendoza nous entraine dans un tourbillon sans répit où se mêlent les anarchistes qui, à l’occasion de chacune de ses expositions et l’explosion de la société aidant, vont ébranler un monde en voie d’industrialisation, et les bourgeois préoccupés de préserver pouvoir et fortune.

Mais ce sont souvent à des personnages étranges, décalés, loufoques que l’auteur fait appel pour mieux rendre la folie qui s’empare de la ville, tout en se moquant gentiment des sphères du pouvoir catalan et castillan que tout oppose.

Cette galerie comporte des géants capables de fracasser des têtes à mains nues et d’engloutir des quantités de pâtisseries incroyables tout en abusant allègrement des filles plus ou moins faciles ; un hôtelier glauque dont le vice est de se déguiser en femme pour se rendre nuitamment dans les bas-fonds de la ville ; un marquis méprisant et assoiffés d’expériences sexuelles de plus en plus bizarres ; des anges sauveurs des causes perdues ; de généraux méprisants, idiots et absurdes ; d’émissaires naïfs et habillés des reliques saintes pour défendre la cause de leur ville dans une capitale qui la méprise ; et de bien d’autres encore.

Bref, une collection d’humanité souvent plus préoccupée à s’enrichir, à servir sa propre glorification qu’à se préoccuper du bien-être général.

Une humanité manipulée par le personnage romanesque qui naviguera entre trois femmes aussi dissembles que possible mais essentielles à sa destinée.

Pour autant, le roman n’est pas exempt de défauts. Souvent, nous glissons d’un sujet à l’autre sans transition et le lecteur a du mal à s’y retrouver entre les multiples personnages et les lieux. Sans connaissance préalable de Barcelone, il me paraît impossible d’apprécier ce roman.

De plus, les références historiques sont trop souvent plaquées au récit et constituent autant de raccords trop visibles qui déstructurent la linéarité du roman.

Au bout du compte, on commence à compter les pages et on finit un peu par se lasser d’un roman un peu trop flamboyant, un peu trop riche. Bref, comme un repas trop riche et dont on sature avant la fin en se demandant quand on va en finir. Dommage.

Publié aux Editions Seuil – 406 pages