Derrière ce titre se cachent en fait deux récits (des petits romans ou de longues nouvelles en quelque sorte). Celui qui donne le titre à ce livre est le deuxième et le plus court des deux. C’est de mon point de vue également le moins intéressant d’un livre qui n’a pas soulevé en moi un profond enthousiasme…
Le premier récit porte un titre original : « On brûle les placards d’électricité ». Ces deux récits constituent une variation sur un thème commun. Comment vivre ensemble dans un pays où cohabitent juifs, arabes, palestiniens sans compter les forces militaires anglaises, au moment de la seconde guerre mondiale où se déroule le deuxième récit.
Nous partageons la vie de quelques familles israéliennes. Des familles modestes, quelconques, très représentatives de la moyenne.
Dans le premier récit, Kenaz s’applique dans la première partie à mettre en place ses personnages. Il décrit avec précision et pudeur les tensions qui habitent ces couples ou ces familles qui cohabitent au sein d’un immeuble quelconque de Tel Aviv. Une tension cristallisée autour de deux travailleurs arabes qui entretiennent l’immeuble à coups de serpillères crasseuses. La fermeture des frontières pour cause de nouveaux attentats fait que le premier d’entre eux ne peut plus se rendre sur place.
Ces mêmes attentats qui se traduisent par d’incessants bombardements de missiles font qu’un pauvre hère va devoir envoyer sa famille à l’abri. Il sera exploité par le syndic de l’immeuble qui le loge comme un miséreux dans les sous-sols à peine ventilés et le traitent comme un éternel suspect de tous les maux qui s’abattent sur le peuple juif. Il sera le remplaçant exploité, méprisé, exploité.
Le drame de la solitude est au cœur de ce petit roman. Solitude d’une vieille dame qui succombera à l’incendie toxique, sans doute volontaire, d’un des placards d’électricité (d’où le titre). Solitude du travailleur arabe, coupée de sa famille, de ses racines, ravagé par des angoisses matérialisées par un chaton rouquin, symbole du mal et de la tentation. Un homme déraciné et au bord du désespoir.
Solitude encore d’un des voisins, au chômage, que sa compagne a quitté. Un brave type qui cherche à protéger ces travailleurs arabes, à leur payer ce qui leur est dû, à maintenir cahin-caha un immeuble où les moyens et la volonté manquent.
C’est lui qui va s’occuper des obsèques de la vieille dame et qui va, à la façon d’une intrigue légèrement policière, essayer de comprendre ce que sont d’étranges personnages que son enquête sur l’origine de l’incendie va lui faire rencontrer. C’est lui qui crée le minimum de lien social entre toutes ces hommes et ces femmes, si dissemblables, qui partagent la vie de cet immeuble.
La force du récit tient dans sa grande pudeur. L’auteur se tient à l’extrême limite d’une quasi distanciation vis à vis de son ouvrage. Il ne juge pas. Il se contente de l’exposé des simples faits comme pour inviter ses lecteurs à se reconnaître et à comprendre en quoi une attitude héritée de préjugés et d’indifférence peut provoquer chez celles et ceux qui vivent à côté.
Le deuxième récit est de la même veine mais tourne autour d’un nombre recentré de personnages et se focalise sur la suspicion, l’étrangeté que la cohabitation de populations disparates ne peut manquer d’engendrer.
C’est aussi un récit sur la force de l’art avec la présence d’un militaire anglais qui tue le temps en reproduisant avec minutie une peinture de Rembrandt dans laquelle il livrera toutefois, à ceux qui sauront le déceler, un message personnel.
Le récit est moins fouillé, moins touchant aussi.
Au total, une indéniable curiosité qui n’en fait pas un must indispensable. Un récit pour comprendre, en tous cas, de façon originale le quotidien d’une société qui vit dans la peur permanente du conflit et des attentats. A vous de voir.
Publié aux Editions Actes Sud – 306 pages