Andrea Camilleri est un maître du roman noir, best-seller adulé en Italie. Avec « Le coup du cavalier », il signe un sympathique roman dont l’intrigue se situe à la fin du XIXe siècle dans une Sicile livrée aux mains de la mafia.
Un jeune inspecteur des finances royales débarque dans une petite bourgade écrasée de chaleur. Il est intègre, dévoué à son pays, fier du rôle qu’il doit jouer.
Pourtant, ses deux prédécesseurs ont connu un sort tragique, assassiné par des mains jamais identifiées, pour des raisons jamais élucidées, l’enquête étant confiée à une police pourrie jusqu’à la moelle.
Grâce à son intelligence, le jeune inspecteur va mettre à jour un trafic juteux autour des moulins à grains soumis à un impôt jugé confiscatoire.
Mais, son attitude intransigeante, sa volonté de mettre à bas un système corrompu vont à son tour lui attirer les pires ennuis. Et c’est cette machination politico-judiciaire que Camilleri va s’attacher à démontrer implacablement. Les éternels ingrédients qui permettent au banditisme de régner sans partage sont parfaitement décrits : corruption généralisée, clientélisme, petits services rendus à rendre au centuple, pressions et intimidations, suppression physique des récalcitrants, tout y passe.
C’est à la fois le contexte historique (la Sicile il y a cent quarante ans, la taxe sur les moulins) et la forme littéraire qui font l’intérêt de ce roman bien construit et qui va réserver son lot de rebondissements palpitants.
En effet, ce roman se déroule en quatre parties bien distinctes. La première dépeint avec précision le contexte et s’attache à mettre en place des personnages souvent pittoresques tels ce curé de village obsédé par ses paroissiennes parmi lesquelles il sélectionne régulièrement ses maîtresses souvent consentantes ou bien encore, cette veuve mangeuse d’hommes qui use de ses charmes pour parvenir à ses fins financières, alternant manipulation, tentation, séduction et sachant ne céder que lorsque son avantage est total.
La deuxième partie est un brillant échange de missives où l’on voit tout le monde politique, juridique et financier mis en émoi ou en appétit, c’est selon, par les révélations faites par le jeune inspecteur.
La troisième partie noue le drame et fait se refermer un redoutable piège sur l’inspecteur dérangeant.
La quatrième partie constitue le dénouement. Un épilogue qui se joue selon une subtile partie d’échecs, d’où le titre, et où simulacre de folie et utilisation des armes de l’ennemi finiront par faire triompher le bien.
On ne s’ennuie pas une seconde à la lecture d’un roman noir solide et qui sort décidément de l’ordinaire. Un roman instructif pour rappeler que les mêmes ficelles continueront de produire les mêmes effets tant que l’humanité laissera se développer en son sein malversations et enrichissements abusifs, bref depuis toujours et pour toujours…
Publié aux Editions Métailié Suites – 217 pages