Pete Dexter est l’un des grands romanciers américains de ces vingt dernières années. Avec « Train », il signe un superbe roman sur la société éminemment raciste des années cinquante qui se déroule pour l’essentiel en Californie.
« Train » est le surnom donné à un jeune homme noir, Lionel Walk, caddie dans un golf chic du côté de Boston. Ce surnom vient d’une marque renommée de modèles réduits de trains (train en anglais) : Lionel trains.
Train est un garçon sans histoires. Caddie docile, il sert sans se poser de questions les blancs souvent odieux, ventripotents et méprisants qui viennent golfer, mal, sur ce terrain privé.
Il va se faire remarquer par un homme étrange, à la démarche claudiquante, Miller Packard, et qui semble inspirer une peur sans nom à certains des plus détestables représentants de l’espèce blanche sur le green. Train va se révéler en effet un golfeur émérite, aux talents exceptionnels mais impossibles à mettre en lumière dans cette société raciste et bloquée qu’est l’Amérique des années cinquante.
La vie de Train va basculer du jour au lendemain, lorsque le chef des caddies, noir lui aussi et presque aussi raciste envers ses frères que les chefs blancs, va se trouver mêlée aux meurtres d’une rare violence et totalement gratuits perpétués par deux noirs sur le voilier d’un riche homme d’affaires local.
Tous les caddies se font embarquer et cuisiner par la police qui frappe sans distingo et sans remords tout ce qui est de peau foncée.
Et puis, un jour, la vie de Train va recroiser celle de Packard Miller dont nous aurons découvert le rôle clé et la violence qui l’anime férocement, en permanence. Train se pensera sauvé, à tort.
Pete Dexter met en scène avec lucidité, application et beaucoup de cynisme tous les ressorts qui sous-tendent la société américaine, encore aujourd’hui. Violence, racisme, exclusion, domination par l’argent, alcoolisme sont les tarauds d’une société qui tient à peine debout, à bout de souffle.
Il faut la prudence, l’humilité, la générosité et la lucidité d’un Train pour échapper à tous les pièges qui se referment sur ceux qui sont promis à l’exclusion, implacable.
Le roman est volontairement oppressant dans sa longue première partie et nous fait descendre au fin fond de l’enfer où tuer est la normalité, jouer avec le fric, banal et signe de puissance, mépriser les faibles, signe d’intégration.
Puis le roman entre dans une deuxième partie étonnamment paisible où l’on pense que, grâce à la protection d’un puissant, un jeune noir va pouvoir enfin s’en sortir, malgré les regards abjects qu’on lui jette, les affronts qu’il doit essuyer sans broncher, les injustices quotidiennes.
P. Dexter utilisera, dans son roman, les rapports de voisinage dans ce qui deviendra, quelques années plus tard, le quartier select et chic de Hollywood pour décrire la puissance de la pression sociale. C’est tout un quartier qui va se liguer pour exclure de son sein les deux jeunes noirs que Miller a pris sous son aile. Et c’est le quartier qui finira par triompher, de la plus horrible des manières.
Le roman est noir, sans lumière, sans espoir. Il est aussi et surtout absolument magnifique.
Publié aux Editions de l’Olivier – 346 pagesTrain – Pete Dexter
Pete Dexter est l’un des grands romanciers américains de ces vingt dernières années. Avec « Train », il signe un superbe roman sur la société éminemment raciste des années cinquante qui se déroule pour l’essentiel en Californie.
« Train » est le surnom donné à un jeune homme noir, Lionel Walk, caddie dans un golf chic du côté de Boston. Ce surnom vient d’une marque renommée de modèles réduits de trains (train en anglais) : Lionel trains.
Train est un garçon sans histoires. Caddie docile, il sert sans se poser de questions les blancs souvent odieux, ventripotents et méprisants qui viennent golfer, mal, sur ce terrain privé.
Il va se faire remarquer par un homme étrange, à la démarche claudiquante, Miller Packard, et qui semble inspirer une peur sans nom à certains des plus détestables représentants de l’espèce blanche sur le green. Train va se révéler en effet un golfeur émérite, aux talents exceptionnels mais impossibles à mettre en lumière dans cette société raciste et bloquée qu’est l’Amérique des années cinquante.
La vie de Train va basculer du jour au lendemain, lorsque le chef des caddies, noir lui aussi et presque aussi raciste envers ses frères que les chefs blancs, va se trouver mêlée aux meurtres d’une rare violence et totalement gratuits perpétués par deux noirs sur le voilier d’un riche homme d’affaires local.
Tous les caddies se font embarquer et cuisiner par la police qui frappe sans distingo et sans remords tout ce qui est de peau foncée.
Et puis, un jour, la vie de Train va recroiser celle de Packard Miller dont nous aurons découvert le rôle clé et la violence qui l’anime férocement, en permanence. Train se pensera sauvé, à tort.
Pete Dexter met en scène avec lucidité, application et beaucoup de cynisme tous les ressorts qui sous-tendent la société américaine, encore aujourd’hui. Violence, racisme, exclusion, domination par l’argent, alcoolisme sont les tarauds d’une société qui tient à peine debout, à bout de souffle.
Il faut la prudence, l’humilité, la générosité et la lucidité d’un Train pour échapper à tous les pièges qui se referment sur ceux qui sont promis à l’exclusion, implacable.
Le roman est volontairement oppressant dans sa longue première partie et nous fait descendre au fin fond de l’enfer où tuer est la normalité, jouer avec le fric, banal et signe de puissance, mépriser les faibles, signe d’intégration.
Puis le roman entre dans une deuxième partie étonnamment paisible où l’on pense que, grâce à la protection d’un puissant, un jeune noir va pouvoir enfin s’en sortir, malgré les regards abjects qu’on lui jette, les affronts qu’il doit essuyer sans broncher, les injustices quotidiennes.
P. Dexter utilisera, dans son roman, les rapports de voisinage dans ce qui deviendra, quelques années plus tard, le quartier select et chic de Hollywood pour décrire la puissance de la pression sociale. C’est tout un quartier qui va se liguer pour exclure de son sein les deux jeunes noirs que Miller a pris sous son aile. Et c’est le quartier qui finira par triompher, de la plus horrible des manières.
Le roman est noir, sans lumière, sans espoir. Il est aussi et surtout absolument magnifique.
Publié aux Editions de l’Olivier – 346 pages