Certains livres ont le pouvoir de vous
attraper, de vous plonger dans une forme d’enchantement en vous surprenant. La
musique des lettres de Pierre Mari sait bien vite se faire entendre à nos
oreilles et solliciter nos yeux avides de ne plus la quitter.
Le propos de « L’Ange incliné »
semble être de nous dire que la vie sait encore nous surprendre quand on se
croit au bord du renoncement ; que l’amour guette si tant est qu’on lui
laisse une chance de nous faire un signe ; qu’une fois rencontré, il nous
appartient de décider ce que l’on veut en faire et la façon dont on veut le
vivre.
Lorsque le narrateur se rend en vacances chez
sa mère, il semble bien usé par l’existence. La petite quarantaine, il vient de
perdre son père dans des circonstances tragiques. Sa sœur est une malade
mentale, enfermée à vie dans une maison de soins et partageant ses journées
entre de rares moments de fausse lucidité, de timides et compulsifs projets et
des anéantissements au tréfonds de silence et de prostration dont rien ne peut
la sortir. Universitaire, professeur respecté de Lettres, d’une intelligence
acérée et brillante, il ne croit plus en un métier dépourvu de moyens, perclus
de réformes stupides, ankylosé par des collègues dont les seules préoccupations
sont l’affairisme, la médisance et la publication de lignes que personne ne
lira jamais.
Tout basculera lorsqu’il rencontrera Anna au
cours d’un voyage en train plein de péripéties. Elle a vingt quatre ans. Elle
est lumineuse, belle comme une déesse, intelligente et subtile. Ce sera le coup
de foudre réciproque et le début d’une histoire inespérée autant qu’inattendue.
Mais Anna vit une autre histoire avec un autre
homme et lui entretient une relation épisodique avec une collègue. Lui a déjà
choisi. Elle, pas encore. Anna, c’est
cet ange incliné dans la cathédrale de la ville provinciale où ils passent tout
leur temps ensemble. L’ange qui lui susurre à l’oreille, qui le guide, le fait
avancer, lui redonne une raison de vivre. L’ange qui lui redonne une âme et une
raison d’être.
Ils s’aiment mais différemment, bien que de
façon fusionnelle et obsessionnelle. De cet amour, ils devront chacun décider
ce qu’ils veulent faire, ensemble, ou pour eux-mêmes.
Les phrases de Pierre Mari possèdent un rare
enchantement, un éblouissement comme ses journées de canicule où tout se met à
basculer et où, soudain, les mirages surgissent et nous laissent deviner ce
que, jamais encore, nous n’avions su voir. Un livre rare et où l’auteur semble
s’être beaucoup projeté.
Publié aux Editions Actes Sud – 2008 – 223 pages