Nous avions découvert Marie Sizun dans
« Jeux croisés » qui nous avait beaucoup plu et avons éprouvé un réel
bonheur de la retrouver avec ce roman publié en Mars 2007.
Pourtant, Marie Sizun n’a pas choisi la
facilité en choisissant de traiter de la psychose maniaco-dépressive. Le roman
est d’ailleurs assez dur, dérangeant en mettant méthodiquement en scène la
maladie qui fait perdre tout repère à l’entourage des personnes qui en sont
atteintes. Le style brutal est accentué par le parti-pris de recourir à de très
courts chapitres qui traitent de l’essentiel et font alterner les périodes de
folie et les répits, plus ou moins longs, pour mieux dépeindre une descente aux
enfers inéluctable et tragique.
C’est par les yeux de Marion, entre sept et
dix-sept ans, que nous allons suivre les circonvolutions de la maladie de
fanny, sa mère. Fanny que l’on désigne comme « La femme de
l’Allemand », celle qui à dix-huit ans a fauté avec un bel et jeune
officier ennemi dont elle a eu cette enfant.
Marion aime sa mère pour ses bizarreries, pour
les secrets qu’elle dissimule et dont elle soulève parfois un coin de voile,
pour la façon perspicace qu’elle a de se moquer de tout le monde.
Mais Marion assiste et accompagne sa mère lors
de crises de plus en plus graves, totalement destructrices et qui font éclater tous les repères
que les précédentes accalmies avaient contribué à ériger, en même temps qu’un
impossible espoir. Plus la maladie progresse, plus les internements
psychiatriques s’enchainent, plus Marion va devoir faire des choix :
protéger sa mère d’elle-même ou se protéger elle ; accepter l’intolérable,
les insultes, les reproches manipulateurs ou se réfugier chez ses
grands-parents qui lui offrent le havre de paix dont elle a besoin.
Plus Marion avance en âge, plus elle ressent
la nécessité de découvrir qui est cet Allemand inconnu, dont elle ne sait rien
qui lui sert de figure de père. Sa mère lui mentant plus ou moins consciemment,
il lui est difficile de trouver le chemin de la vérité. Alors, elle finit par
s’inventer un père de toutes pièces en découpant la photographie d’un jeune et
sympathique officier, pris au hasard, d’un journal rétrospectif.
Le talent de M. Sizun est de nous faire
souffrir comme ses personnages, de nous donner à comprendre en quoi chaque
choix ferme définitivement une porte derrière lui et enferme les protagonistes
dans des univers qui finissent par diverger. Le style vif nous fait descendre
au plus profond d’un enfer quotidien qui finira par excuser les décisions
prises par les divers protagonistes qui sont toutes plus ou moins conscientes
et visant à se protéger de l’insupportable.
Une découverte que nous vous recommandons sans
la moindre hésitation.
Publié aux Editions Arléa – 243 pages