Oui, nous aimons beaucoup Jean-Paul Dubois sur
Cetalir. Nous l’aimons pour son humour souvent grinçant, son écriture habile
parfois légère mais le plus souvent bien travaillée, voire noire, et nous
l’aimons pour son chef-d’œuvre « Hommes entre eux ».
C’est pourquoi nous lui pardonnerons
« Les accommodements raisonnables » qui se situe à un cran nettement
inférieur que ses trois dernières publications même s’il en résulte un livre
agréable à lire.
Comme presque toujours chez JP. Dubois, le
roman se situe à cheval entre la région de Toulouse et les Etats-Unis, ici
Hollywood, la Californie n’étant pas la région américaine que l’auteur
affectionne normalement. Comme toujours chez l’auteur, le rapport au père sort
de toute norme, le père se posant finalement en une énigme bizarre, inattendue
et fondamentalement impossible à supporter. Et comme souvent chez Dubois, nous
retrouvons un clin d’œil à une production précédente (ici « La vie me fait
peur ») puisque Paul, le narrateur, figure transposé de l’auteur, a épousé
Anna, la fille d’un espagnol fondateur d’une société de tondeuses à gazon qui
porte le même nom que dans le précédent roman mais provient d’une toute autre
origine.
Le livre s’ouvre sur une incontestable
réussite littéraire, un petit bijou d’humour noir. Charles, le frère du père de
Paul, Alexandre, vient de mourir d’une crise cardiaque dans le siège luxueux
d’un coupé Mercedes au moment de l’acheter dans une concession. Charles et
Alexandre se sont détestés toute leur vie. Charles fut un homme d’affaires
féroce alors qu’Alexandre fut un papiste apparemment introverti. La crémation
de Charles se transforme, sous la plume aiguisée de l’auteur, en un moment de
ballet comique qui donne l’occasion à Alexandre de se venger une dernière fois
de ce frère honni.
Parce que Paul va peu à peu découvrir l’homme
véritable qui se cachait sous les apparences d’un père dissimulateur et parce
qu’Anna sombre dans une dépression grave qui la conduit à un internement
psychiatrique, Paul accepte de partir jouer les script-doctors d’un film
minable à la Paramount.
Sur place, il découvre la férocité de
l’Amérique, ses injustices radicales, ses règles du jeu. Il y découvre surtout,
Selma Chantz, executive assistant du producteur pour lequel Paul travaille, qui
se révèle le sosie parfait, trente ans plus jeune, qu’Anna.
C’est sur cette base que Dubois va développer
son roman qui lui donne l’occasion de s’en donner à cœur joie contre les mœurs
dépravées du show-biz, la tristesse et l’angoisse inhérentes à une vie de
paillettes, les ravages de l’alcool et de la drogue. Un roman qui, par la
bouche du père qui ne cesse de réveiller son fils en l’appelant au téléphone en
pleine nuit, brocarde allègrement Sarkozy et le monde politique français.
Grâce à cette distance qui aplanit les
problèmes familiaux de Paul, celui-ci va se reconstruire, accepter le vrai père
qui va se dévoiler impudiquement et accepter la femme que son épouse est
devenue tout en entretenant une passion ravageuse avec Shelma. C’est ce
parcours chaotique, entrecroisé entre des figures qui sont différentes de
l’image que Paul en a, qui va constituer la catharsis de l’homme mûr qu’est
devenu Paul.
Il y a une réelle émotion dans le soin que
Paul apporte à transformer un scenario minable en une œuvre digne d’être
tournée par un réalisateur abandonné depuis longtemps, devenu peu à peu
confident et ami et à qui il va ainsi redonner vie. C’est ce qui donne un côté
humain à un roman par ailleurs féroce.
On sourit souvent, on savoure avec plaisir un
roman sympathique et qui fait passer un bon moment, mais on reste sur sa faim,
honnêtement.
Publié aux Editions de l’Olivier – 261 pages