Pourquoi donc avoir conservé un titre en
espagnol pour ce roman écrit par un Mexicain ? Je n’ai toujours pas trouvé
d’explications logiques après avoir achevé la lecture de cet étrange roman
contemporain. Passons…
L’originalité de ce roman tient à ce que
l’auteur décide de mêler au sein de son propre récit mille autre récits
romanesques imaginaires rendant indémêlables la réalité objective et celle
conçue par un quelconque esprit littéraire ; tout événement, toute
situation ne peut que faire écho à ce qu’un auteur a au préalable conçu et
trouvera donc son explication dans ce que ce même auteur aura décidé, dans son
propre roman, de donner comme extrapolation ou comme suite narrative. Le glissement
de l’un à l’autre est permanent, délibéré de la part de D. Toscana. En outre,
la vie qui compte vraiment dans ce livre est celle figée, imaginée auparavant
par un auteur qui aura trouvé grâce auprès de l’un des protagonistes de ce
récit.
En plein désert dévasté par la sécheresse,
dans une petite bourgade abandonnée de tous, Remigio trouve au fonds de son
puits le cadavre d’une sublime jeune fille. Il alerte bientôt son père, Lucio,
improbable bibliothécaire dans ce village qui n’a cure des livres ou de la
culture. Lucio trouve aussitôt une explication à ce meurtre en faisant
référence à un roman de Pierre Lafitte et identifiera le coupable, réel ou
putatif, nul ne le saura, en lisant un simple passage prophétique à la
gendarmerie venue enquêter.
La mère de l’enfant lui rendra alors visite.
Aussi décalée que le bibliothécaire, elle aussi amoureuse des livres, ils se
lanceront dans un duo imaginaire où chacun fera assaut de ses connaissances
pour imaginer ensemble un avenir théorique mais impossible ou bien encore
réinventer la bataille historique qui se déroula sur place au début du XIXe
siècle.
Bien étrange bibliothécaire qui condamne les
livres qui ne trouvent pas grâce à ses yeux remisés dans un enfer de cafards
dévoreurs qui grouillent dans une pièce sombre et humide spécialement conçue à
cet effet.
Bien étrange mère, résignée par la mort de son
enfant, réplique idéalisée du roman de Pierre Lafitte qu’elle idolâtre et dont
l’auteur l’y avait condamné par avance.
Bien étrange duo fantomatique, à l’âme
vacillante, aux corps en manque d’amour, plus attiré et happé par la tentation
de l’imaginaire que par l’insupportable et prosaïque quotidien.
Il en résulte un original roman aux accents de
Garcia Marquez qui, sans être une réussite totale, se démarque assurément des innombrables
romans que nous avons pu lire jusqu’ici, ce qui, en soi, est une indéniable
performance !
Publié aux Editions Zulma – 215 pages