Ne vous y trompez pas : derrière ce titre charmant se
cache une critique féroce du joyeux bordel ambiant qu’est devenu notre monde
moderne. Avec une sacrée dose d’humour et une langue volontairement très
moderne qui ne s’embarrasse pas de superflu pour au contraire foncer droit au
but, Emmanuelle Pireyre s’attaque aux idées reçues, aux clichés encombrants et
multiples qui finissent, sans que l’on s’en rende compte, par former la
poisseuse doxa de notre civilisation.
Lire cet ouvrage franchement déjanté, c’est un peu comme
contempler certaines créations d’art contemporain : on s’interroge, se
demande parfois où l’artiste veut en venir. On peut y entrer ou en fuir, en
sourire ou adorer. Il y a toutes les chances pour que cette collection de
réactions soit celle de tout lecteur face à un texte assez foutraque mais qui
poursuit un but assez clair.
C’est en observant notre monde, en rassemblant des monceaux
d’articles de presse, de vidéos, de séquences radio que produit quotidiennement
notre société qu’Emmanuelle Pireyre a puisé son inspiration. Il en résulte sept
textes aux titres en forme de pieds de nez carrément provocateurs (ex :
« Comment laisser flotter les fillettes ? », « Comment
faire le lit de l’homme non schizoïde et non aliéné ?», « Friedrich
Nietzsche est-il Halal , » etc…) où l’auteur utilise une technique de
collage de clichés et une bonne dose d’intelligence pour faire ressortir les
angoisses d’un monde dont on sent bien qu’il est en pleine dérive.
On y voit une fillette de neuf ans se lancer dans la
peinture monothématique équestre pour renoncer au trading devenu sous-culture
dominante précipitant le monde dans la crise des sub-primes et l’effondrement
de nations entières ; un universitaire suédois pratiquer le tourisme
sexuel en France et devenir un hacker averti pour lutter contre un monde trop
capitaliste ; une jeune musulmane pratiquant le violoncelle donner des
conseils sur internet à ses coreligionnaires sur la façon de s’habiller et de
se comporter pour ne citer que quelques exemples parmi une infinité d’autres.
Tout cela est composé comme de faux articles de presse, des
conversations de tchat internet, d’échanges de SMS qui sont devenus le terreau
du monde actuel qui déverse des tombereaux d’ineptie, contribuant à renforcer
le sentiment général d’une sous-culture populaire qui ne prend plus du tout le
temps de la réflexion d’autant qu’elle n’y est plus formée. C’est impertinent,
réjouissant, un peu lassant aussi parfois. En tous cas, définitivement extrêmement
original et aussi salutaire qu’un avertissement retentissant sortant du chaos
général.
Publié aux Editions de l’Olivier – 2012 – 248 pages