Ce roman fut publié en 1972 en Afrique du Sud, puis traduit
et édité, en France, en 2006 lorsque la renommée de ce grand auteur blanc et
contestataire, pourfendeur de l’apartheid, fut mieux établie.
Toutefois, il ne s’agit pas, de notre point de vue, de l’une
des œuvres maîtresses de Schoeman. On n’y retrouve pas la puissance de
l’écriture des œuvres plus tardives et l’on peine quelque peu à entrer dans une
histoire volontairement décousue, à l’image des liens qui se sont distendus
entre le personnage principal et son pays natal, qu’il retrouve bien des années
plus tard.
Georg décide de venir passer une semaine en Afrique du Sud,
en plein veld, pour retrouver la ferme de ses grands-parents et s’occuper de la
vendre après le décès de sa mère.
Celle-ci, au moment « des évènements » comme il
est dit pudiquement dans le roman, avait en effet fui le pays en proie aux plus
terribles désordres et suivi son mari, diplomate, en Suisse. C’est là-bas que
le jeune homme fut élevé, dans la pratique de la langue française et anglaise.
C’est là-bas qu’il réside et travaille, dans une maison d’édition. Il est
profondément suisse et confusément Sud-Africain.
En pleine nuit, perdu dans le veld immense, Georg vient
frapper à la porte d’une ferme. Tenue par des Afrikaners purs jus, ceux-ci
finissent par vaincre leur réticence et par l’accueillir une fois qu’ils
découvrent qu’il n’est pas un inconnu.
Pendant les cinq jours qu’il passera sur place, Georg devra à la fois accepter de livrer
quelques souvenirs, attestant définitivement de son intégrité, et savoir se
faire plus ou moins accepté par cette famille de quatre enfants, farouches,
méfiants et résistants. Il lui faudra aussi nouer des liens contre son gré avec
ce que la famille compte comme amis dispersés dans les quelques fermes
alentour.
Alors seulement, la confrontation avec ceux qui sont restés
lui permettra de comprendre ce que son pays aura véritablement traversé. Ces
Afrikaners ont tout perdu : leurs terres, leur argent, leur position
sociale. Ils ont fait l’objet d’exécutions sommaires, d’arrestations
arbitraires, certaines femmes ont été violées, les esclaves se sont retournés
contre eux. Aucun n’accepte que le pays ne soit passé aux Noirs. Beaucoup ont
du apprendre à survivre, à s’improviser paysans, à oublier leur bonne
éducation.
Pour toutes ces raisons, le retour de l’enfant prodige est incompréhensible
d’autant que la ferme héritée n’est plus qu’un champ de ruines, un lieu de souvenirs
douloureux et désastreux, à l’image du vain combat mené.
Comme Georg ne sait pas expliquer rationnellement son
retour, chacun veut y voir la légitimité de ses convictions et cherche à se
faire de cet étranger qui parle leur langue, qui partage des souvenirs communs
vagues avec eux, un allié. Tous sont maladroits ou insupportables et ne peuvent
que pousser le jeune homme à fuir.
Au final, ce voyage se révèlera un échec complet et marquera
la rupture définitive du jeune homme avec ses racines, avec ce monde devenu
violent, arbitraire et incompréhensible.
L’avant-dernière scène, paroxystique, aussi brève que
brutale est sans doute le moment de bravoure de l’ouvrage. C’est elle qui donne
le sens au roman et qui fait tomber les dernières illusions.
Publié aux Editions Phébus – 206 pages