Voilà un roman à multiples lectures possibles, assez
élaboré, bien écrit mais dont la fin surprend quelque peu au point d’en
affecter, de mon point de vue, la qualité générale.
Le titre évoque les diverses étapes par lesquelles va passer
un écrivain qui s’est aventuré au Tibet pour, au départ, en faire la découverte
avec un tour opérateurs tendance aventures. Parce que la route approximative
qui serpente péniblement sur les contreforts himalayens est rendue impraticable
par un éboulement rocheux gigantesque et parce qu’un lama passe, par hasard,
par là au moment où l’armée chinoise impose aux touristes cahotés de faire
demi-tour, le voyage va soudainement prendre une dimension spirituelle
inattendue.
Notre écrivain confie son désir de mieux comprendre la vie
en lamaserie et les rêves qui le hantent depuis son arrivée sur place. Alors,
le lama, abbé de sa lamaserie et accompagné d’un costaud et rustre géant, lui
propose de le suivre. Commence un périple qui, car c’est le parti de l’auteur,
surprenant au demeurant, de nous prévenir dès le début du roman, se terminera
mal.
« Le passage du col » c’est d’abord celui des
cimes immenses qu’il faut affronter, souvent au péril de sa vie, pour se frayer
un chemin à l’abri de la surveillance omniprésente des troupes chinoises qui ne
tolèrent pas la moindre incartade. Plus l’altitude augmente, plus le mal des
montagnes gagne notre homme, plus les rêves le hantent.
Le roman est d’ailleurs construit en une succession
systématique de récit du voyage et du séjour chez les lamas, sous forme de
témoignage engagé, et de courts récits des rêves survenus la veille. Des rêves
qui nous projettent dans l’Antiquité et qui, progressivement, se rapprochent du
temps proche. Des rêves qui donnent à penser qu’ils sont la résurgence des vies
antérieures vécues et que ces passages de col successifs vont permettre de
révéler. Des rêves, aussi, pour donner un sens à des personnages fictifs que
l’écrivain a laissé venir à lui dans les précédents romans commis et qui, tous,
directement ou indirectement, ont un rapport particulier et obsessionnel à
l’écriture.
« Le passage du col » c’est aussi celui de
l’utérus que, grâce aux exercices de méditation, au travail sur soi qu’enseigne
le bouddhisme, il est donné de revivre. Une fois ce retour à la matrice
effectué, il devient alors possible d’accéder en les comprenant à ses vies
antérieures.
Enfin, « Le passage du col » sera celui, final et
fatal, qui conclura le récit mettant en scène nos trois compères, en fuite vers
le col donnant accès au Népal, poursuivi par l’armée chinoise après une séance
violente et dramatique de répression exercée sur le monastère.
On admirera le travail documenté sur le bouddhisme, la
tentative pédagogique d’en faire comprendre les grands principes et le travail
d’écriture apaisé qui guide le récit. Les deux premiers tiers laissent à voir
un parcours initiatique semé d’embûches et la superposition du voyage vers un
futur spirituel et un retour aux passés multiples remarquablement orchestrés.
L’option prise par l’auteur d’une fin improbable nous paraît toutefois affaiblir
gravement l’ensemble et l’équilibre du récit. C’est un témoignage sur la
violence qui s’abat sur les Tibétains et leurs traditions, c’est une hyperbole
de ce qui sous-tend l’affrontement du bien et du mal dans la religion
bouddhiste, mais nous n’y avons pas cru et pas adhéré.
Nous vous recommanderons cependant de lire ce curieux roman
et apprécierons par avance vos réactions à un livre qui ne peut laisser
indifférent.
Publié aux Editions
Albin Michel – 317 pages