Arnaud Cathrine est un auteur qui fait penser à Olivier Adam.
Comme pour ce dernier, ses personnages sont en déshérence, écorchés par la vie,
déracinés voire vaguement marginaux. Comme pour O. Adam, l’écriture est simple,
voire minimaliste et les histoires tristes, rarement porteuses d’espoir.
Toutefois, ses romans n’ont pas la puissance évocatrice du tête de file qu’est
Olivier Adam et la comparaison s’arrêtera donc là.
« Sweet home » est conçu comme une succession de
trois cahiers écrits par trois frères et sœurs, les jumeaux Lilly et Vincent,
le petit dernier, Martin. Des cahiers rédigés à une dizaine d’années
d’intervalles et qui, tous sans exception, traitent de la question de
l’identité. Car que devenons-nous quand nous perdons une mère encore jeune, que
nous observons nos parents se déchirer ou, en tous cas, ne plus s’aimer, que le
monde des adultes censés nous rassurer n’a pas de réponses à nos questions
quasi-existentielles ?
Chacun de ces cahiers illustre le point de vue de chacun de
ces enfants, devenus depuis des adultes, sur sa famille dont le fonctionnement
bizarre et elliptique trouvait son apogée chaque année au moment des vacances
estivales passées dans la maison familiale en Bretagne. Des points de vue sans
concession et qui mettent crûment en lumière les non-dits, les secrets gardés
et profondément cachés par un père irascible et dépossédé de toute autorité et
son frère cadet omniprésent qui se réfugie dans un alcoolisme actif et la
passion des jeux d’argent. Des secrets qui conduiront la mère à se suicider, un
été, sur le lieu symbolique du délitement progressif de cette famille.
C’est alors la difficulté pour ces enfants brinquebalés à
devenir des adultes cohérents qu’A. Cathrine tente de nous donner à voir.
Comment devenir un père aimant quand on n’en a pas eu ? Comment ne pas
sombrer dans l’alcoolisme soi-même quand celui qu’on vénère, l’oncle
énigmatique, a depuis longtemps sombré ? Comment assumer ses actes lorsque
ses parents ont fui, l’un dans la mort, l’autre dans le silence et la
résignation ?
Alors c’est l’ami d’enfance, Nathan, qui fit le lien,
lui-même fils d’un père devenu fou et d’une mère dépassée par la situation en
trouvant dans cette famille livrée à elle-même un port d’attache, une raison
d’être, amant d’un soir de Lilly, grand frère du petit Martin et surtout,
magicien des feux d’artifice. Sans doute le plus beau personnage du roman.
Fort heureusement, l’auteur sait éviter la ligne dangereuse
d’un odieux mélodrame en usant d’une langue douce et poétique, triste et
nostalgique, simple et essentielle comme les sentiments qui habitent ces
personnages en recherche d’eux-mêmes. Il en résulte un petit roman profondément
triste, vaguement dépressif mais porteur d’une petite lueur d’espoir une fois
que le trio aura évacué ses démons. Un livre non indispensable et qui a le bon
goût de se lire très vite.
Publié aux éditions Gallimard Phase deux – 219 pages