Un titre bien étrange pour un très court roman, fort sympathique, qui se dévorera d'un trait. Autant dire une réussite donc que nous ne saurons que trop vous recommander.
Comme nous le déclare d'emblée la facétieux Martin Page, voici un roman censé lever un coin du voile de la vie de Beckett de façon totalement auto-fictionnelle. Autant dire qu'il s'agit d'une pure élucubration ce qui n'enlève rien au roman bien au contraire !
A la base de cette fable, l'auteur imagine que, suite à un incendie ayant nécessité le transfert des manuscrits de Beckett pour restauration, on découvre incidemment le journal intime d'un secrétaire particulier du grand écrivain jusqu'ici totalement inconnu et dont personne, ni Beckett, ni son épouse, ni ses biographes n'ont jamais fait mention.
C'est à travers les yeux de cet étudiant parisien fauché prétendument devenu l'intime de Beckett pendant quelques semaines que nous allons suivre la vie quotidienne de ce dernier. Une vie où Beckett fuit les honneurs, s'habillant n'importe comment, portant chevelure et barbe hirsutes. Une vie où il ne faut cesser de tenter de mettre un peu d'ordre dans une création continue de désordre. Une vie où l'on finit par s'amuser de la tentative d'un metteur en scène de faire rejouer l'une des pièces les plus célèbres de l'auteur par des prisonniers suédois devant tout le gratin national avant que les taulards devenus acteurs ne prennent la tangente en pleine tournée.
Ce que nous voyons c'est l'humanité d'un auteur dont l'aridité des textes donnerait à penser qu'il fut rébarbatif. Un homme aimant la bonne chère, chérissant ses abeilles élevées sur la toiture terrasse de son appartement parisien. Et puis, l'évolution d'une relation où, peu à peu, un zeste d'amitié se noue entre un homme illustre et un pauvre étudiant inconnu.
Tout cela est fort bien fait, souvent drôle et mérite la petite heure de lecture nécessaire à se régaler.
Publié aux Editions de l'Olivier - 2013 - 89 pages