Au fil de ses
romans, Yves Ravey a forgé un style et un genre. Chez lui, la première marque
de fabrique se trouve dans la concision de l’écrit. Aucun livre ne dépasse les
deux cents pages, mais pourtant tout y est dit et l’auteur se sera amusé à
semer quantité d’indices anodins ou non pour envoyer ses lecteurs sur diverses
pistes tout en laissant se dessiner, pour qui saura la voir, celle qui mènera à
l’ultime révélation.
Le style Ravey, c’est
d’imaginer ses intrigues sur fond de quotidien un brin banal et de marqueurs
sociaux. Souvent, les classes s’affrontent, plus ou moins violemment. Toujours,
les personnages se trompent mutuellement, les plus malins abusant des plus
faibles avant que d’être trompés à leur tour. C’est dans la relative banalité,
dans un récit presque immobile que l’auteur montre tout son talent, celui qui
consiste, au fond, à réinventer le genre du roman policier sans le dire ni l’afficher.
Son dernier opus,
« La fille de mon meilleur ami », en est une exemplaire illustration.
Deux êtres à la dérive s’y côtoient. William qui a promis à son meilleur ami,
sur son lit de mort, de s’occuper de sa fille, Mathilde. Mathilde, donc, une
beauté qui, à force de fréquenter les hôpitaux psychiatriques, s'est vue
retirer le droit de visite de son fils Romeo lequel vit désormais chez son père
et sa nouvelle compagne. Depuis, Mathilde survit à coup de cocktails mélangeant
médicaments et alcool, toujours au bord de la dérive, à la limite extrême de la
dangerosité et de la folie.
Sur l’insistance
de Mathilde, William la conduit dans une petite ville de l’Essonne pour braver
l’interdiction légale et voir Romeo. Faire fi d’une interdiction majeure,
susceptible de causer bien des ennuis, dit bien le caractère des deux acolytes,
en rupture l’un comme l’autre. Bien
vite, nous découvrirons que derrière William se cache un être peu recommandable
aux multiples personnalités, manipulateur et improvisateur au point de se
lancer dans des plans aussi audacieux que foireux.
Plus Mathilde s’enfonce,
plus William semble oublier toute réalité et prêt à prendre les risques les
plus inconsidérés pour se tirer des multiples faux pas dans lesquels il se
plonge lui-même. Avec une précision diabolique, un art qui force le respect,
Yves Ravey nous entraîne dans une cavalcade sociale et nauséabonde dont la
conclusion sera nécessairement une surprise ou plutôt, une succession de
rebondissements.
Le livre se lira
avec plaisir et à toute vitesse et devrait vous donner envie d’en découvrir
plus sur cet auteur si vous ne le connaissiez pas encore.
Publié aux
Editions de Minuit – 2014 – 156 pages