D’un fait divers historique et macabre, Jacques Chessex tire
un court roman magnifique et sublimé par une langue comme toujours parfaitement
maîtrisée par ce grand auteur helvétique.
En 1903, une jeune et belle jeune fille de vingt ans décède
d’une méningite. C’est la fille du juge de paix d’un canton du Jorat. Le
lendemain de ses obsèques où se pressa la paysannerie, la petite et la grande
bourgeoisie locales, on retrouve sa tombe atrocement profanée, la jeune vierge
défunte violée, le corps découpé et les attributs sexuels mangés avant d’être
recrachés dans un taillis proche.
Commence une gigantesque enquête de police qui trouvera son
écho dans le monde entier au fur et à mesure que de nouvelles profanations vont
se répéter aux alentours. Comme toujours dans ces cas là, la rumeur publique ne
manquera pas de désigner de putatifs coupables que les petits ou grands
règlements de comptes entre voisins, tisonnés par la misère sexuelle d’une
population reculée et abâtardie, ne cesseront que de se développer.
Bientôt, un dénommé Favez, commis dans une taverne, être
brutal et fruste pris sur le fait en flagrant délit d’actes contre nature
envers les animaux de l’étable attenante, focalisera sur lui toute l’attention
au point de devenir le coupable idéal.
A l’époque où la psychiatrie commence à poindre le bout de
son nez, un médecin local obtiendra de commuer sa condamnation en enferment
dans l’hôpital psychiatrique dont il a la charge afin de devenir l’objet d’une
étude sur certains des nombreux troubles qui agitent les cerveaux les plus
faibles. Déjà il en sortira que, comme souvent chez les criminels, un enfant
objet et victime d’abus sexuels, comme ce fut le cas de Favez, présente toutes
les caractéristiques a priori pour transformer une sexualité mal assumée en
fantasmes violents ou sanglants.
Puis, en 1915, Favez s’évadera. On retrouvera sa trace plus
tard comme engagé volontaire dans la légion étrangère où il combattra aux côtés
de Blaise Cendrars avant de tomber sous les balles ennemies.
Mais il se pourrait que la République nous ait joué un bien
mauvais tour après que les recherches ADN semblent avoir conclu que le dénommé
Favez, le vampire de Ropraz, ne soit autre que le soldat inconnu honoré tous
les ans sous l’Arc de Triomphe !
Avec subtilité et son talent habituel, Chessex se livre à
une analyse sans concession d’un monde qui n’était plus tout à fait dans
l’obscurantisme mais pas encore dans la modernité.
Publié aux Editions Grasset – 2007 – 108 pages