Avec ce premier roman magistral,
le jeune auteur britannique Benjamin Wood, trente-trois ans, sort du bois en
frappant un grand coup.
Dès les premières pages,
nous savons qu’un drame s’est produit puisque des ambulanciers accompagnés de
policiers sont en train de collecter des corps dans une propriété. Pendant près
de cinq cents pages, l’auteur va nous tenir en haleine en nous contant qui sont
ces gens dont il vient d’être question et comment on en est arrivé là.
Rien que de très
classique comme artifice littéraire et trame romanesque, me direz-vous. Sauf
que Benjamin Wood fait preuve d’une savante combinaison de maestria, d’analyse
psychologique, de regard sans complaisance sur les dérives de la société
britannique et de son système scolaire élitiste tout en faisant défiler une
cohorte de personnages superbement campés et souvent hauts en couleurs. Le tout
dans une ambiance nappée de plus en plus de mystère, où manipulation et folie
composent un cocktail dont le côté explosif ne cesse de progresser jusqu’au
drame final.
Lorsqu’Oscar Loewe entre
dans une chapelle de Cambridge attiré par le son puissant et envoûtant d’un
orgue, il ne sait pas encore que sa vie va basculer à jamais. D’abord, parce
qu’il va y faire la connaissance d’Iris Bellwether, une jeune étudiante en
médecine, à la fois brillante et assez délurée. Entre eux, une histoire d’amour
va rapidement prendre forme alors que tout les oppose. Ensuite, parce que,
inséparable d’Iris, il y a son frère Eden. Un garçon à l’intelligence
fulgurante, organiste virtuose, compositeur de partitions où il use avec une
certaine perversité de sa capacité à hypnotiser son auditoire.
Eden a le sentiment aigu
d’être supérieur aux autres et souffre de graves troubles psychologiques. Il
est convaincu que son magnétisme combiné à sa musique permet de venir à bout de
toutes les souffrances au point de pouvoir faire revenir les morts parmi les
vivants. Iris est déterminée à prouver à son frère qu’il est malade et qu’il
doit se faire soigner et va s’employer à obtenir d’Oscar qu’elle l’aide en ce
sens.
Commence alors un ballet
mortifère où presque tout le monde manipule tout le monde, où la prise de
risque pour aller sans cesse plus loin dans l’expérimentation ou la
démonstration de ce dont on est convaincu ne cesse d’augmenter. Un monde où derrière l’argent des nantis
subsiste un indéniable mépris, ou à tout le moins une condescendance, pour ceux
qui ne sont pas de leur monde.
Impossible de tenter de
résumer un roman qui ne peut l’être tant il aborde de multiples questions et
tant il fait appel à un foisonnement d’acteurs ayant tous un rôle essentiel
dans une formidable machine infernale qui semble s’être mise en route malgré
eux.
Voici en tous cas un
remarquable tour de force littéraire, un roman diablement efficace, superbement
construit, très documenté et qui happe son lecteur, un de nos derniers coups de
cœur qui a, par ailleurs, reçu le Prix du Roman Fnac 2014.
Publié aux Editions Zulma
– 2014 – 512 pages