Dans son premier roman, « D’acier », vite devenu
un best-seller, la jeune femme de lettres Silvia Avalone s’employait à dénoncer
les dérives d’une banlieue industrielle de Toscane, montrant la décrépitude
profonde d’une Italie sous l’ère Berlusconi.
Avec son deuxième roman, l’auteur a pris le parti d’un
retour aux sources, celles de son Piémont natal qu’elle connaît bien. Cette
région au Nord de l’Italie est en véritable voie de désertification. Les
filatures qui firent les heures de gloire de la région y ont fermé les unes
après les autres et les habitants des petits villages nichés au sein d’une
nature à la fois grandiose et hostile fuient peu à peu, attirés par les mirages
des lumières des grandes villes, grossissant les rangs des nouveaux pauvres.
Car le monde vu par Silvia Avallone est loin d’être tendre.
Il est au contraire cynique, violent, impitoyable. La nouvelle génération doit
du coup s’y faire une place souvent contre la famille dépassée, détruite ou
enfermée dans un schéma totalement désuet, et en utilisant les moyens qu’elle
peut pour parvenir à ses fins.
Ici, tout se jouera entre deux jeunes gens, figures
hautement symboliques d’une jeunesse italienne en grande partie à la dérive,
écartelée entre des schémas aux résultats incertains, ne pouvant plus
s’enfermer dans les représentations mentales d’une vie professionnelle stable
faute d’emplois et à cause d’une économie qui n’en finit pas de se
déconstruire.
Elle, Marina Bellezza, a vingt ans. C’est une bimbo qui fait
baver tous les hommes. Une fille au corps de déesse et dotée d’une voix qui lui
permet de tenter de se faire une place dans le monde la pop italienne. Une
fille déterminée, manipulatrice, egocentrique et caractérielle, prête à tout
pour se faire une place au soleil.
Lui, Andrea, est le deuxième fils du maire d’obédience
berlusconienne d’un petit village de la vallée. Un garçon de vingt-sept ans
ayant vécu une passion amoureuse dévastatrice avec Marina avant que tout ne
s’arrête brusquement. Depuis, il zone, survit d’un vague emploi de
bibliothécaire à temps partiel et a commencé une série d’études jamais
achevées.
Et puis, un jour, par hasard, Marina et Andrea vont se
retrouver et la passion amoureuse, folle, irrépressible se remettre en route.
Tout les oppose, tout dit à Andrea qu’il va commettre la pire bêtise de sa vie.
Mais le cœur a ses raisons que la raison n’a pas…
L’auteur nous plonge alors au sein de cette relation
autodestructrice, véritable révélateur d’une société qui se délite. Pendant que
Marina jouera des coudes et de ses atours pour se faire un nom, Andrea se
réfugiera dans les alpages, rejoignant ces jeunes solitaires décidés à revivre
la vie des macaires, ces éleveurs d’autrefois, producteurs artisanaux de
fromages. L’une vise les paillettes, l’argent et le strass. L’autre, le calme,
l’amour du travail bien fait. Mais tous deux ont surtout d’immenses comptes à
solder avec leur enfance, leur famille impossible et avec eux-mêmes.
Plus l’autodestruction progresse, plus nous découvrons les
immenses blessures narcissiques et psychologiques qui font que, jamais, ni l’un
ni l’autre ne pourront vivre normalement.
Il y a dans ces alternances de vie intense à deux, de fusion
totale violente et absurde, de déchirements irréconciliables, de mauvaises
décisions systématiques, d’impression de chaos semé partout autour d’eux, une
sorte de schéma de fatalité. Il semble impossible à quiconque dans ce roman
d’aimer simplement, la moindre histoire devenant une sorte de suicide affectif
comme il semble impossible à cette Italie désespérée que nous peint Silvia
Avallone de trouver une issue favorable à une situation qui porte en elle les
germes d’une catastrophique explosion.
Au bout du compte, un assez beau livre, fort, troublant qui
aurait toutefois gagné en impact en ayant été un peu condensé.
Publié aux Editions Liana Levi – 2014 – 542 pages