Paru en 1999, cet essai du prolixe penseur qu’est J. Attali,
pose la question de la voie que le monde doit absolument explorer pour éviter
d’aller vers un écroulement ou une explosion radicale dont l’auteur est
convaincu qu’elle nous guette avant la fin de ce siècle.
Pour étayer son propos, J. Attali tente de démontrer que les
mécanismes fondamentaux qui sont en jeu sont ceux d’un marché qui s’est
globalisé et concentré au point que 80% des richesses mondiales sont détenues
par une proportion d’individus qui ne cesse de diminuer de façon drastique
depuis la révolution industrielle de la fin du XIXème siècle.
Si nous laissons le marché opérer selon ses propres lois, la
conviction de l’auteur est que le monde va se fragmenter autour de quelques
groupes tentaculaires dont les objectifs dicteront les comportements dominants
au point de déposséder les Etats de tout pouvoir économique et de les asservir
à la réalisation des objectifs essentiellement capitalistes de ces monstres
économiques. En parallèle, se développeront des réseaux virtuels, largement
mafieux, vivant en toute autarcie et hors de tout contrôle. Tout ceci ne
pourrait que mener, d’après l’auteur, à la radicalisation entre un monde de
riches toujours plus riches mais de moins en moins nombreux, et une extrême
majorité de pauvres avec un affaiblissement drastique des classe moyennes d’où
un risque majeur de conflit armé entre un monde piloté par les USA et un autre
par la Chine.
Face à cela, Attali propose une alternative fondée sur la
Fraternité. Partant du principe que le plaisir de donner est identique à celui
de recevoir et que la pérennité ne peut s’envisager qu’en luttant contre les
mécanismes destructeurs de marché, il pose que seule la Fraternité est
l’alternative viable, condition préalable à tout exercice de liberté quelle
qu’elle soit, fondement même de l’égalité devant les chances.
Pour étayer sa démonstration, l’auteur se réfère aux
multiples tentatives historiques qui ont exploré des possibles et posé les
bases de notre monde actuel. Malheureusement, le recours aux références de
Thomas More, le fondateur de la pensée utopique et qui n’hésita pas à sacrifier
sa vie et ses honneurs à ses idées aux services d’une plus grande
fraternité, à Karl Marx qui engendra les
dérives staliniennes ou maoïstes que l’on sait, surtout si elles sont la
plupart du temps survolées aux quelques lignes elliptiques, ne fait pas la
démonstration. Elle tend même à nous convaincre du contraire !
Comme, dans ce qui devrait constituer l’essentiel du recueil
mais n’en représente qu’un quart environ en fait, J. Attali peine à nous
convaincre du bienfondé de sa théorie, on referme le livre en se disant que
c’est plutôt raté car fondamentalement superficiel. Espérons que la
contre-conclusion qui prédit l’écroulement de nos sociétés du fait des tensions
telluriques engendrées par les marchés ne sera, pour sa part, pas la bonne. Il
est à craindre, malheureusement que l’égoïsme et la maximisation des intérêts
particuliers et court-termistes qui constituent le moteur de nos sociétés de
plus en plus globales, ne nous y mène tout droit.
Publié aux Editions Fayard– 1999 – 233pages