Après la lecture de la très intéressante préface rédigée par
pierre Assouline, on constate une fois encore combien il peut être difficile de
se faire un prénom. Car, bien sûr, Klaus est le fils de Thomas, le géant de la
littérature allemande et il souffrira toute sa vie de cet ombrage. Klaus tenta
l’excentricité, la marginalisation et prit des positions extrêmes pour essayer
d’exister. Avec l’établissement de la dictature hitlérienne, il émigra aux USA
en 1933 après avoir été chassé de l’Allemagne aryenne, abandonna à jamais la
langue allemande après avoir été déchu de sa nationalité et rédigea ses
derniers écrits en Anglais. Toute sa vie, il fut chaviré par son homosexualité
et la tentation permanente du suicide
auquel il finit par se livrer à Cannes en 1949, souffrant d’être
incompris et non reconnu pour son œuvre.
« Point de rencontre à l’infini » est le deuxième
ouvrage publié sous son nom en France. Ce roman synthétise l’ensemble des
tourments qui agitaient son auteur. Dans cette société de la haute bourgeoisie
berlinoise de l’entre-deux guerres qui se relève tout juste d’une
hyper-inflation qui faillit l’abattre, il faut trouver un sens à une vie qui a
vu le lustre et le patriotisme teutons mis à mal.
En se noyant dans les fêtes, les adultères, les liaisons
plus ou moins dangereuses, en consommant de la morphine plus que de raison, en
brûlant sa vie sur les planches comme actrice, danseuse ou metteur en scène, en
rédigeant de façon bouillonnante et brouillonne quantité d’essais, de romans ou
de pièces musicales qui ne trouvent personne pour les éditer, la cohorte de
personnages que nous observons tente de rendre compte de la déliquescence d’une
nation qui ne sait plus très bien où elle en est.
Ballottés entre la montée vaguement inquiétante du nazisme
auquel certains commencent à se rallier pour servir leurs carrières
personnelles et le communisme qui semble, déjà, sans issue, épuisés par une
économie mise à genoux, les personnages qui s’agitent fébrilement sous nos yeux
sont le reflet d’un peuple qui noie son désarroi dans l’excès de tout et
l’absence de perspective claire tant comme collectivité d’individus que comme
entités individuelles en soi.
Alors, les histoires d’amour se font et se défont au gré des
alliances et des combinaisons, de la nécessité de trouver un homme capable de
vous financer si l’on est une belle femme avant que de l’abandonner sans regret
pour un autre pour lequel on éprouve un sentiment plus sincère. Les plus
faibles ne survivront déjà plus à ce maelström, épuisés par les excès et le
dépit en tous genres, emportés par des suicides plus ou moins délibérés. Même
lorsqu’ils sont ensemble, ces êtres semblent ne rien sincèrement partager et
finiront peut-être, dans une autre vie, par se rencontrer à l’infini.
Le problème toutefois avec ce roman est double. Il est à la
fois ancré dans son temps, ce qui en fait une intéressante chronique d’une
autre facette de la société allemande au bord de plonger dans la folie nazie
mais ce qui rend aussi le récit très daté, un compte-rendu devenu,
quatre-vingts ans plus tard, anachronique. De plus, l’écriture y est souvent un
peu pompeuse, ampoulée, manquant de naturel et de puissance. A un point tel
qu’on risque, ce fut mon cas, d’éprouver un certain ennui relativement pardonné
par les cinquante dernières pages assez sublimes.
A découvrir pour la curiosité mais pas indispensable.
Publié aux Editions Phébus – 2010 – 297 pages