2.1.16

Toutes les vagues de l’océan – Victor del Arbol


S’engager dans un roman de l’écrivain catalan Victor del Arbol, c’est plonger dans une mare profonde et noire, dans le dense réseau de l’araignée du Mal comme nous l’avions déjà constaté avec son précédent roman (qui connut un joli succès), « La Tristesse du samouraï ». C’est aussi accepter un long voyage car les romans de l’auteur sont de gros pavés qui vont demander beaucoup de temps pour être lus avec l’attention nécessaire.

Du temps, il est d’ailleurs question, de façon essentielle, omniprésente, dans « Toutes les vagues de l’océan ».  Car c’est à un formidable voyage à travers le vingtième siècle que nous invite del Arbol, entre les combats des Républicains espagnols luttant désespérément contre les ligues fascistes, la seconde guerre mondiale, les goulags soviétiques, la terreur stalinienne et tout ce que ce siècle a pu produire de misère et de victimes, par centaines de millions.

Mais le Mal absolu ne s’est pas arrêté avec le précédent millénaire. Il n’a jamais autant progressé d’ailleurs et l’une des nombreuses et incessantes formes qu’il prend touche à la prostitution, au commerce des enfants sous la main de fer d’une mafia russe d’une cruauté totale et sans limite lorsqu’il s’agit de protéger ses intérêts.

C’est parce qu’elle s’est intéressée, semble-t-il, de près à ces affaires et à un réseau connu sous le nom de Matriochka que l’inspectrice Laura est retrouvée morte, apparemment suicidée après qu’on l’ait accusée d’avoir assassiné, en le torturant sauvagement, un des membres de ce réseau mafieux. Plus précisément, celui dont elle sait qu’il a été, des années plus tôt, l’assassin de son fils retrouvé mort flottant dans l’eau d’un lac.

Désireux d’en savoir plus sur cette affaire, son frère cadet Gonzalo, un terne avocat vivant dans l’ombre menaçante d’un beau-père qui est l’un des ténors du barreau barcelonais, se lance dans une enquête qui va lui apprendre tout, bout par bout, coups après coups, sur sa famille.

Une famille qui a vécu longtemps dans la lumière protectrice d’un père, Elias, héros communiste et figure légendaire espagnole. Mais derrière les apparences se cachent souvent des réalités moins belles, voire des affaires sordides ou nauséabondes comme nous ne tarderons pas à le comprendre.
Affronter ce roman, c’est accepter de se faire chahuter en permanence par la quantité des personnages, par la férocité des situations, par la brutalité d’une époque qui ne connut pas de limite dans la violence. C’est affronter des choix dont on ne sait pas si l’on aurait capable, ou désireux, de les faire nous-mêmes, eussions-nous été confrontés à la même situation. C’est s’approcher du Mal au plus près, en appréhender de multiples aspects. C’est, enfin, bloquer un nombre conséquent d’heures dans son agenda pour venir à bout d’une histoire aussi éprouvante que complexe mais fermement tenue et menée par celui qui est en train de rejoindre Carlos Zafon comme l’autre grand auteur du genre noir espagnol.


Publié aux Editions Actes Noirs – Actes Sud – 2015 – 599 pages