Seuls, les personnages de
ce deuxième roman de Loïc Merle le sont. Invaincus, cela reste à démontrer tant
ils sont abîmés, voire détruits par des vies dont ils ne savent que faire ou
qu’ils mésemploient. C’est un bien étrange roman rédigé dans une écriture
souvent emphatique au point de manquer de lisibilité qu’on nous propose là.
Charles a tout quitté il
y a sept ans pour s’engager dans l’armée, pour combattre la haine dans le monde
comme il dit. Parce qu’il reçoit un jour une lettre lui annonçant que son ami
d’enfance Kérim est atteint d’une leucémie, il largue à nouveau tout, laisse le
désert et sa tenue de camouflage derrière lui avec le dégoût d’un métier qui ne
lui aura apporté aucune joie.
Revenu dans sa ville
natale de C, étroite, entourée de collines, morne et sans espoir, il retrouve
une mère vivant seule exactement comme il l’a laissée, son ex qui se prostitue
pour vivre et son ami en soins en hématologie. Ce dernier, qui a toujours eu
une vie un peu louche, est devenu une sorte de chef de bande vivant de divers
trafics et extorsions.
Après sept ans d’absence
sans qu’aucune correspondance, qu’aucun mot n’aient été échangés, alors que
Kérim lutte pour sa survie et que Charles erre sans but, sans repères autres
que la plongée régulière dans l’alcool, il leur faut retrouver une amitié
abîmée par les circonstances. Un parcours semé d’embûches au fur et à mesure
que la santé de Kérim, un temps rétablie, ne se dégrade à nouveau.
Vivre normalement dans ce
roman, c’est vivre en marge, caché dans une communauté fondée un moment par
Kérim, en ayant peur de ceux qui pourraient vous traquer, la gendarmerie comme
déserteur ou cet ancien sous-off lyrique et alcoolique qui n’a de cesse que de
remettre la main sur la compagne de Charles sans que l’on sache si c’est pour
la renvoyer au tapin ou pour son propre usage. C’est voir son horizon se
rétrécir de plus en plus, sombrer inexorablement dans la violence, vivre avec
la mort omniprésente, tenter de rester invaincu (d’où peut-être ce titre
énigmatique) malgré les circonstances, malgré une vie de chien qui s’amuse à
vous rouer de coups. C’est vivre dans la solitude de ses angoisses, dans
l’impossibilité de se construire un futur stable parce que tout fuit, que rien
ne tient pas même les sentiments qu’on aurait pu croire sincères.
Loîc Merle signe ici un
roman profondément noir, dérangeant au point d’en devenir déplaisant. Il m’aura
laissé seul et vaincu par un style et un fond finissant par me laisser sur le
bord de la route.
Publié aux Editions Actes
Sud – 2015 – 204 pages