30.9.16

7 – Tristan Garcia


L’attentif lecteur ne manquera pas de remarquer la formule pluriel surprenante sous-titrant le dernier livre de Tristan Garcia : Romans, avec un s terminal donc. Inhabituel et pensé évidemment pour envoyer un premier signal à ce même lecteur : laissez-vous surprendre, entrez dans mes récits sans comprendre mais soyez attentifs car de petits indices, ici ou là, devraient vous faire saisir que ces diverses histoires que je m’apprête à vous raconter ont un lien ténu entre elles, lien que vous finirez par découvrir à la fin d’un parcours en forme de labyrinthe aussi génial que surprenant.

Evidemment, le chiffre 7 ne fut pas choisi par hasard mais bien pour toute la symbolique qu’il véhicule (les bottes de sept lieues, les sept péchés capitaux, les sept branches de l’étoile de certaines religions, les sept jours de la semaine, les sept étapes de la perfection etc…). N’oublions pas que Tristan Garcia est avant tout un philosophe, spécialiste des objets et de la métaphysique et que rien n’est innocent dans ce récit d’une intelligence redoutable.

7, comme 6+1. Six récits en forme de novelas (des petits romans de 30 à 50 pages) complétés d’un récit final de près de 250 pages, lui-même découpé en sept sous-parties. La symbolique, toujours, mais pas gratuite, subtilement mise en place pour soutenir une intention et tenir le lecteur en haleine, le surprendre tout en l’interpelant.

Six récits qui nous propulsent dans des mondes étranges, aussi familiers et réels que notre France quotidienne, mais une France traversées par des manifestations inexplicables que seule une poignée d’individus semble remarquer et interpréter. Ici une drogue qui permet de remonter le temps et de revivre sa vie (jusqu’à la limite physique de sept ans symbolique oblige). Une femme sublime, la plus belle mannequin au monde, qui ne cesse de s’auto-détruire. Une mini-secte prêchant l’omni-présence d’extra-terrestres pour expliquer des disparitions inquiétantes. Un musicien qui découvre que ses créations musicales préexistent depuis plus d’un siècle sur des rouleaux de bois etc….

Et puis, s’opère une rupture en basculant dans l’ultime partie où nous allons comprendre que l’éternité a un goût plus qu’amer. Car que ferions-nous si nous pouvions ressusciter à l’infini, revenir sans cesse au point de départ de nos propres vies, tout recommencer mais en accumulant des siècles de souvenirs, d’expériences ? Sur cette interrogation, Tristan Garcia nous confronte à certains des choix envisageables dans un pays qui ressemble de beaucoup à notre France contemporaine elle-même située à un carrefour dont elle peut sortir renforcée comme anéantie. Il y a d’ailleurs du Houellebecq dans certaines de ces pages où la montée de l’Islam extrêmiste laisse percevoir des possibles destructeurs et terrifiants.

Au bout du compte, il est probable qu’on adorera ou détestera ce livre à part, inclassable de Tristan Garcia. Un animal hybride qui tient de la science-fiction, de la critique sociale, des nouvelles, du roman, de la prospective et de subtiles invitations à la réflexion philosophique parsemées au fil des pages. C’est en tous cas savamment construit, d’une originalité absolue, brillant et, pour tout dire, on a adoré !


Publié aux Editions Gallimard – 2016 – 580 pages