Didier van Cauwelaert
aime les histoires un brin décalées et comportant leur lot d’étrangeté. Il y
voit matière à bousculer les codes tout en éveillant l’attention et la
sympathie de lecteurs qu’il entraîne dans des récits de vies qui n’ont rien de
commun. C’est à nouveau le cas avec son dernier roman, « On dirait
nous », à la fois jolie histoire d’amour et parabole sur le désir
d’éternité.
Le jeune couple que
forment Soline et Illan tente de mener son chemin. Elle est violoncelliste
virtuose, d’une beauté foudroyante, fantasque et quelque peu imprévisible. Il
est amoureux fou et vit de petites magouilles immobilières sans jamais avoir
réussi à vraiment trouver sa place dans un monde pour lequel il ne semble pas
préparé. Tous deux compensent leurs difficultés financières en se livrant à des
jeux sexuels les amenant à faire l’amour dans les lieux et les situations les
plus improbables. C’est qu’il faut bien pimenter une existence pas toujours
facile.
Un jour, se promenant,
ils tombent sur un couple de petits vieux, émouvants, dégustant des éclairs au
chocolat, assis sur le banc où la veille encore eux, les jeunes, se livraient à
leur pratique amoureuse. « On dirait nous » au même âge, confessera
Soline. Une phrase anodine qui déclenchera tout.
Depuis des semaines,
Georges et Yoa (les occupants âgés du banc) cherchent ceux sur lesquels ils
vont jeter leur dévolu. Georges sait en
effet son épouse gravement malade et condamnée. Une femme qu’il aime
éperdument, rencontrée en Alaska, l’une des dernières descendantes des Tlingits
dont il est lui-même l’un des derniers philologues. Or ce peuple croit en la
réincarnation à partir du moment où l’être qui se sent mourir peut choisir la
femme qui donnera naissance à l’enfant devenant son continuateur, distinguable
par les stigmates qu’il porte sur lui. Et c’est évidemment Soline qu’ils ont
choisie pour jouer ce rôle.
Commence alors un travail
d’approche, tournant rapidement à une forme de harcèlement doublé d’un chantage
alimenté par la connaissance approfondie de la situation du jeune couple soumis
à un véritable espionnage. C’est que le temps presse et tout semble concourir à
faire de Soline l’élue et d’Illan le père obligé de l’épouse réincarnée de
Georges.
Sur ce scenario quelque
peu rocambolesque, l’auteur élabore un joli conte dans lequel l’amour jouera
bien des tours car il n’est assurément pas facile pour Georges de ne pas
s’enflammer pour Soline et encore moins pour Illan de s’accommoder d’une
situation dont il semble de plus en plus perdre le contrôle. D’autant que pour
que la réincarnation soit assurée, il conviendra de se livrer à une série de
rites magiques peu ragoûtants mais qui forment, dans les cultures d’Alaska
comme d’Amazonie, le chemin permettant aux vivants de prendre congés de leurs
morts tout en poursuivant le cycle ininterrompu de la vie.
D’un thème qui aurait pu
être lourd, Didier van Cauwelaert tire un roman au fond joyeux, loufoque et
ludique ; un livre qui interpelle sur le temps qui passe, le sens des
sentiments, la douleur de savoir devoir se défaire des êtres aimés, la
manipulation, la force des croyances. On y rit beaucoup et passe un agréable
moment.
Publié aux Editions Albin
Michel – 2016 – 368 pages