Jostein Gaarder s’est fait une spécialité du roman
philosophique aux confins du fantastique et de l’onirique. « Dans un
miroir obscur » constitue une excellente opportunité de découvrir cet
auteur norvégien original dont le titre le plus connu, et qui fut un gros
succès de librairie, est « Le Monde de Sophie ».
En cette soirée de Noël, Cécilie est seule allongée dans sa
chambre. Nous comprendrons bien vite que Cécilie, une petite fille intelligente
et sensible, est atteinte de leucémie et que la maladie progresse à une vitesse
foudroyante. Cécilie surveille les bruits des préparatifs de ses parents et
grands-parents aimants et se fait une joie à la perspective de recevoir des
cadeaux, une paire de skis, une luge, qui disent avec force sa volonté de
guérir et d’un retour à une vie normale.
Cependant, Cécilie ne cesse de s’affaiblir. Plus les jours
passent, plus les périodes d’éveil sont courtes jusqu’à ce que l’ange gardien
de la petite fille, Ariel, surgisse dans la chambre et se manifeste auprès
d’elle, sans crier gare.
Commence alors une série de dialogues entre Ariel et celle
qu’il doit veiller, des dialogues poétiques et profonds pour tenter de
comprendre ce qui fait la différence entre la vie éternelle des anges dépourvus
de toute capacité à user des cinq sens magiques humains et le passage éphémère
mais riche en expériences des humains sur Terre.
Ces dialogues abordent, en les survolant car Cécilie n’est
après tout qu’une petite fille, les sujets graves de la vie. Cécilie
progressera ainsi dans sa compréhension du monde et se préparera à une mort
inéluctable.
Comme Ariel, et l’auteur, sont aussi des êtres au grand
cœur, Ariel saura faire bénéficier à Cécilie, la nuit venue et la maisonnée
endormie, de courts moments de délire à l’extérieur pour faire une ultime
descente à ski ou une partie délurée de glissades en luge. Cécilie en sortira
de plus en plus affaiblie mais sereine. Elle notera dans son cahier chinois,
son journal intime, les propos très adultes qu’elle aura entendus d’Ariel et
tentera de livrer à ses parents certains des secrets du monde. Mais ils seront
incapables de comprendre les propos inspirés d’un ange que seule Cécilie
perçoit. Quelle est la part du conscient, celle du rêve ou de
l’inconscient ? L’auteur se garde bien de nous influencer dans notre interprétation
de ce qui se passe.
L’essentiel sur la vie sera dit dans ce court roman sensible
et intelligent bien que clairement superficiel. Un petit conte philosophique
pour nous donner à comprendre que la vision du monde que nous avons-nous
appartient en propre et qu’elle nous apparaît confusément dans un miroir obscur
qui nous renvoie l’image que nous souhaitons avoir de nous-mêmes.
Publié aux Editions Seuil – 1997 - 169 pages