Laurent Seksik, médecin et écrivain, s’est fait une
spécialité de la composition de romans directement inspirés de la vie de
personnages historiques célèbres. Après Albert Einstein et Stefan Zweig, c’est à
Romain Gary qu’il s’intéresse dans sa dernière production. Plus exactement, à
une journée particulière de la vie du jeune Gary, âgé en 1925 de dix ans.
On pense souvent que la vie aventureuse et mouvementée, que
la destinée de Romain Gary devaient avant tout à sa mère. C’est elle qui dut
élever son fils après la séparation avec son mari. A moitié foldingue,
chapelière déchue et désormais sans autre revenu que les dettes qu’elle
contracte sans pouvoir les rembourser ou les arnaques minables qu’elle tente d’organiser,
elle compense une personnalité aussi imprévisible que furieuse par un amour
maternel infini.
Pour Laurent Seksik, c’est en fait le père de Gary, Arieh
Kacew, fourreur de son état, qui joua un rôle déterminant pour l’avenir de son
fils. L’enfant vouait une adoration respectueuse pour son père et était
absolument convaincu que celui-ci reviendrait habiter au domicile conjugal.
Alors, l’écrivain imagine une journée particulière où toutes
les certitudes de celui qui est encore un enfant vont, une à une, s’écrouler.
Celle de pouvoir bénéficier de la sécurité maternelle en réalisant combien sa
mère est acculée à la misère et d’un caractère instable. Celle qu’il est facile
de tromper la gentille vigilance du rabbin de la communauté en lui racontant une
série de mensonges éhontés. Celle des amitiés trompées lorsqu’il doit subir
coups et outrages de ceux qui en veulent à ses biens, à sa réputation ou à sa
religion.
Mais la plus grande trahison sera paternelle quand le fils
réalisera que la nouvelle compagne, jeune, lumineuse, sensuelle et aimante de
son père est enceinte et que, de fait, jamais son père ne reviendra auprès de
sa précédente épouse.
Vilnius fit l’objet d’un terrible massacre des Juifs par les
Polonais au début du XXème siècle avant que de devenir un nouveau lieu
d’extermination organisée par les troupes SS. Pressentant la montée brune, la
mère de Gary eut la lucidité de fuir la ville avant qu’il ne fût trop tard pour
aller s’installer à Nice en France, entraînant avec elle son fils. Cela ne l’empêcha
pas d’être rattrapée par les forces du Mal mais sauva le jeune Romain du destin
fatal qui allait être réservé à tout ce
qui lui restait de famille à Vilnius.
Avec beaucoup de talent et de gouaille et une bonne dose
d’humour juif délicieux, Laurent Seksik jette un nouvel éclairage sur l’enfance
d’un aventurier et homme de lettres qui allait marquer la deuxième partie du
XXème siècle.
Publié aux Editions Flammarion – 2016 – 231 pages