Depuis des années, Philippe Besson nous raconte des
histoires, imaginant des vies à partir de personnages fugacement rencontrés.
Déjà enfant, il s’adonnait à ce qui allait le conduire à devenir écrivain,
provoquant la colère de sa mère qui ne cessait de lui dire : « Arrête
avec tes mensonges ».
Alors, devenu un homme mûr, l’auteur a effectivement décidé
d’arrêter avec ses mensonges et de nous livrer un récit autobiographique
fascinant. Fascinant car, souvent, la réalité est porteuse de plus de
puissance, d’étonnements et de moments improbables que la fiction. Fascinant
aussi car ce qui devient une sorte de confession éclaire fortement les dix-huit
romans précédents souvent marqués par un être qui vient à manquer, la solitude
et l’homosexualité omniprésente.
De son homosexualité, Philippe Besson eut conscience très
tôt, dès l’âge de onze ans. Mais c’est à dix-sept ans, en Terminale C, l’année
du Bac, qu’elle trouva enfin à s’exprimer. Depuis des semaines, l’élève Besson
observait à la dérobée un garçon un peu plus âgé que lui, beau comme un dieu,
attirant les filles mais restant toujours solitaire. Un élève en D, filière
moins scientifique où étaient recasés les élèves jugés insuffisamment bons pour
être préparés aux classes préparatoires. Autant dire, un autre monde,
parallèle, impossible.
Jusquà ce que celui qui se nommait Thomas Andrieu, un fils
de paysan de Charente, prenne l’initiative d’un rendez-vous et, dans la foulée,
des premiers émois amoureux et sexuels, décrits sans fausse pudeur mais avec
une émotion réelle, bien qu’à vingt-trois ans de distance.
C’est cette première relation amoureuse que nous conte
Besson. Elle dura peu de mois mais marqua profondément les deux hommes. Pour
l’auteur, elle fut la libération d’une vie, le marquage du passage de l’adolescence
inassumée à l’âge adulte, à des désirs de succès au-delà de Bordeaux pour
gagner la capitale. Thomas quant à lui s’enferma dans le déni et provoqua une
rupture restée inexpliquée. Peur de s’assumer dans une France provinciale aux
relents chabroliens.
Il fallut le hasard d’une rencontre dans le hall d’un hôtel,
plus de vingt ans plus tard pour que Philippe Besson renoue avec un passé et
une histoire qui n’avaient jamais cessé de le hanter au point de peupler,
explicitement parfois, son univers littéraire et apprenne enfin, dans
d’inimaginables circonstances, le sort funeste de celui qui renonça à lui parce
qu’il savait que son amant, trop brillant, devrait partir tandis que lui aurait
l’obligation de rester collé à une terre dont il ne parvenait pas à se
départir.
Philippe Besson signe ici un de ses plus beaux livres,
émouvant, d’une sincérité absolue et qui sonne comme un pardon mutuel envers un
amour qui n’a pu, pour toutes les raisons que nous comprendrons, trouver à
s’éclore comme il l’aurait pu ou dû.
Publié aux Editions Julliard – 2017 – 194 pages