Ceriwen Dovey est une jeune femme sud-africaine aimant
observer le monde afin d’y décoder les signifiants forts cachés derrière le
rideau des apparences, des comportements ou des traditions. Docteur en
anthropologie sociale, elle a réalisé films et ouvrages qui ont été remarqués
dans les milieux universitaires ou les festivals spécialisés. Mais, depuis
quelques années, c’est à l’écriture qu‘elle a décidé de se consacrer.
Son dernier livre (dont l’éditeur a jugé bon de ne conserver
qu’une partie du titre original sans pourtant le traduire de l’anglais au
français, bizarrerie bobo un peu stupide mais passons) donne une idée frappante
de ce que la combinaison de deux talents bien maîtrisés peut donner.
Dix nouvelles mettent face à face un animal (parfois
improbable tel une moule) et son Maître humain dans des circonstances, la
plupart du temps liées à la survenue d’une guerre, qui vont conduire à la mort
inutile et cruelle d’un animal ne demandant qu’à aimer et être aimé. Souvent,
ces humains n’ont rien d’anonymes puisque nous côtoierons le chien de Goebbels,
le chat de Colette, le perroquet de Kafka entre autres.
Avant de se lancer dans son entreprise, Ceridwen Dovey a
entrepris le type de recherche
documentaire sérieuse que sa formation universitaire lui a enseigné à
pratiquer. On y découvre donc beaucoup sur la vie de ces animaux divers et,
parfois, les stratégies complexes sexuelles qu’il leur faut déployer pour se
reproduire.
Alors, pourquoi ne pas donner le pouvoir et la capacité aux
animaux, quels qu’ils soient, de nous observer pour tenter de comprendre les
règles, les coutumes, les objectifs, les peurs, les luttes ou les pulsions qui
semblent sans cesse agiter ces bipèdes avec lesquels ils entretiennent des
rapports bien ambivalents ? Ne serions-nous in fine que de pervers
manipulateurs de ces êtres ? L’auteur franchit le pas avec une drôlerie
qui fait mouche, une impertinence aussi qui n’hésite pas à faire vaciller les
Grands Hommes de leur piédestal.
L’exercice aurait pu devenir répétitif et lassant. Or, il
n’en est rien grâce à la formidable capacité de Ceridwen Dovey de nous étonner,
d’adapter son langage et sa syntaxe à l’animal et au milieu dans lequel il
évolue, dont il devient en quelque sorte le sage, le loufoque ou le perplexe
traducteur selon le cas.
Dommage que le travail d’édition ne soit pas exempt de
reproches. Il y a de nombreuses erreurs grammaticales, fautes d’orthographe
voire de syntaxe dans la traduction qui aurait mérité d’être relue de façon
professionnelle.
Publié aux Editions Héloïse d’Ormesson – 2016 – 285 pages