Chaque couple invente son histoire amoureuse à sa façon.
Jusque-là, lui n’a vécu que des aventures qu’il a toujours cherché à fuir par
peur de la lassitude, par souci de préserver une prétendue liberté et crainte
de réellement s’engager. Elle, Agnès, n’a vécu que des flirts. Rien de sérieux
au point de préserver sa virginité à vingt-cinq ans passés.
C’est dans une salle de bibliothèque new-yorkaise
surchauffée que leurs regards se croisent. Bien que beaucoup plus âgé qu’elle
et alors qu’il ne la trouve pas spécialement belle, il se sent cependant
mystérieusement attiré par elle. Il écrit un livre sur les wagons de chemin de
fer de luxe ; elle prépare une thèse sur la symétrie des particules. Deux
approches du monde que tout oppose déjà.
Après des cigarettes partagées sur le perron et quelques
dîners, les voici en couple au point qu’au bout de quelque temps Agnès accepte
de venir s’installer chez celui qu’elle considère comme son fiancé.
Par jeu, Agnès lui lance un soir le défi de composer un
texte sur elle. Lui a toujours rêvé de réaliser un roman sans y être jamais
parvenu, finissant par se réfugier sans passion mais par nécessité et besoin
d’écrire dans la réalisation d’ouvrages techniques spécialisés. Au départ purement
descriptif, le texte objet du défi va peu à peu se transformer en une sorte de
prophétie prédéterminant les moindres faits et gestes du couple, structurant
jusqu’aux pensées.
De façon progressive et avec une approche toute en finesse,
Peter Stamm nous donne à voir le lent délitement d’un couple qui se laisse
prendre au piège d’une boutade finissant par concentrer toute l’impossibilité à
vivre véritablement ensemble. Ce n’est pas la grande différence d’âge qui fait
obstacle ni les activités partagées comme cette sortie en forêt qui marque le
paroxysme d’une pseudo-béatitude, mais bien plutôt deux projets de vie, deux
profonds mal-être que le temps, les épreuves quotidiennes rendent
irréconciliables au point de finir en drame.
Avec ce premier roman, Peter Stamm fit une entrée remarquée
sur la scène littéraire d’expression germanique. Une entrée encore trop
discrète par chez nous alors que son œuvre mérite le plus grand intérêt.
Publié aux Editions Christian Bourgeois – 2000 – 179 pages