Rassembler des récits épars réalisés au fil du temps pour le
compte de revues ou de journaux n’ayant rien d’autre en commun que la
contribution d’un auteur peut légitimement poser question. Une question qui se
résout d’elle-même une fois que l’on aura goûté à la prose virtuose et souvent
cinglante du maître de la langue qu’est Jean Echenoz.
En sept textes souvent courts, le romancier français nous
donne une leçon d’écriture. Un rien, une anecdote, une simple idée devient le
prétexte à rédiger un texte d’une intelligence voire d’une érudition admirables
comme dans la fabuleuse description lapidaire des vingt statues de Reines de
France au Jardin du Luxembourg.
Ce qui compte pour Echenoz c’est de combiner la beauté de la
riche langue française, jamais galvaudée, finement ciselée sans en donner trop
l’air, avec l’impertinence. Il en va ainsi du texte inaugural, Nelson, où le
grand amiral qui fit tant de torts aux Français va nous apparaître en six pages
magistrales comme avant tout un homme souffrant de mille maux, d’infirmités
infligées par les projectiles reçus lors des innombrables batailles navales finissant
par filer à l’anglaise un dîner mondain pour se transformer en jardinier
soucieux du futur au long terme.
Il en est tout autant dans la plus longue nouvelle terminale
« Trois sandwiches au Bourget » où l’auteur nous offre une
désopilante série de promenades dans une ville sans charme, sans grand intérêt
et n’offrant guère de talents culinaires. Echenoz aime déclencher le rire au
détour d’une phrase ou bien achever ses récits sur une pirouette. Un
savoir-faire que l’on admirera tout au long de ces sept récits qui brillent
comme autant de petits bijoux travaillés avec amour, impertinence et l’immense
talent qui caractérise toute l’œuvre de ce géant de la littérature française
contemporaine.
Publié aux Editions de Minuit – 2014 – 125 pages