Il existe plusieurs
images de l’Argentine. Pour beaucoup, cet immense pays est celui de la Pampa et
Buenos Aires la capitale mondiale du tango. Certes. Mais derrière ces images
d’Epinal se cache une autre réalité que tout visiteur découvrira dès son arrivée ;
celle d’un pays en faillite complète tant financière que politique, un monde où
la pauvreté est omniprésente et où les petits payent le prix fort d’années de
dictature puis de gabegie.
Alors, forcément, la
violence y est omniprésente et la solitude aussi. Deux données qui forment le
matériau de base du dernier roman de Carlos Bernatek considéré comme l’une des
figures de proue de la littérature argentine actuelle.
Solitude que celle des
deux personnages principaux dont nous allons suivre une courte tranche de vie
parallèle. D’un côté, Poli, un mec un peu paumé que sa femme vient de mettre
dehors à coups de lampe sur la tête alors qu’il venait de découvrir qu’elle le
trompait depuis des années avec un notable du coin. Non content d’être
désormais sans domicile, il perd également son travail, la crise rendant la
poursuite d’activité de son employeur impossible. Du coup, il survit, dormant
pour l’essentiel dans sa vieille camionnette avec laquelle il sillonne la
campagne pour tenter de vendre en porte-à-porte des encyclopédies.
De l’autre, Selva, une
jeune femme sans formation particulière, ayant toujours eu une peur instinctive
et viscérale des hommes. Elle vient d’abandonner un job mal payé pour un autre
qui ne l’est guère mieux mais qui lui laisse la perspective de vivre au bord de
la mer, un peu en vacances, seule, sans homme et sans patron sur le dos.
Chacun à sa façon va se
trouver confronté à la violence d’un pays où, pour survivre, il faut savoir
tricher, abuser de la naïveté des crédules, montrer ses muscles et menacer sans
vergogne. Pour Poli, c’est en tombant sur une bande de pseudo-prêcheurs pour
lesquels il va se mettre à vendre des bibles et du dentifrice qu’il va peu à
peu comprendre les vraies règles d’un jeu auquel il n’est guère préparé. Pour
Selva, ce sera par l’agression physique extrême, le traumatisme physique et
psychologique subi ou infligé que la violence toquera littéralement à sa porte.
Comment aimer simplement
et sincèrement dans un tel contexte ? Du coup, Carlos Bernatek n’hésite pas
à faire de la sexualité l’ultime forme de violence donnant lieu à des scènes
éprouvantes dont il est impossible de sortir indemne. On sort sonné de ce roman
construit comme un polar noir et qui illustre la face cachée d’un pays à la
dérive.
Publié aux Editions de
l’Olivier – 2017 - 284 pages